Anouilh, Eurydice p. 409 :
"À la fin c'est intolérable d'être deux ! Deux peaux, deux enveloppes, bien imperméables autour de nous, chacun pour soi avec son oxygène, avec son propre sang quoi qu'on fasse, bien enfermé, bien seul dans son sac de peau. On se serre l'un contre l'autre, on se frotte pour sortir un peu de cette effroyable solitude. Un petit plaisir, une petite illusion, mais on se retrouve bien vite tout seul, avec son foie, sa rate, ses tripes, ses seuls amis. [...] Alors on parle. On a trouvé cela aussi. Ce bruit de l'air dans la gorge et contre les dents. Ce morse sommaire. Deux prisonniers qui tapent contre le mur du fond de leur cellule. Deux prisonniers qui ne se verront jamais. Ah ! on est seul ! [...] J'entrerai un moment dans toi. Je croirai pendant une minute que nous sommes deux tiges enlacées sur la même racine. Et puis nous nous séparerons et nous redeviendrons deux. Deux mystères, deux mensonges. Deux."