samedi 29 mai 2021

Adamov (je)


Adamov, Je..., ils... [1946] : 

"Ce qu’il y a ? Je sais d’abord qu’il y a moi. Mais qui est moi ? Mais qu’est-ce que moi ? Tout ce que je sais de moi, c’est que je souffre. Et si je souffre, c’est qu’à l’origine de moi-même il y a mutilation, séparation. Je suis séparé. Ce dont je suis séparé, je ne sais pas le nommer. Autrefois, cela s’appelait Dieu ; maintenant il n’a plus de nom. Mais je suis séparé. Si je n’étais pas séparé je ne dormirais pas à chaque instant de ce lourd sommeil entrecoupé des râles, des plus obscurs remords, je n’irais pas ainsi les yeux vides, le cœur lourd de désir. Il faut voir clair. Tout ce qui en l’homme vaut la peine de vivre tend vers un seul but inéluctable et monotone : passer outre aux frontières personnelles, crever l’opacité de sa peau qui le sépare du monde.

Dans l'amour, l'homme mutilé cherche à reconstruire son intégrité première. Il cherche un être hors de lui qui, se fondant en lui, ressusciterait l'androgyne primitif. Dans la contemplation il appelle cette lueur d'abîme qui soudain fait étrange tout spectacle familier, il attend ce regard unique qui dissipe les brumes sordides de l'habitude et rend à tout objet visible sa pureté essentielle. Dans la prière, il a recours à cet autre qui gît au coeur de son coeur, plus lui-même que lui, et pourtant inconnu.

Derrière tout ce qu'il a coutume de voir, l'homme cherche autre chose. Toujours il est altéré. Altéré : celui qui a soif, qui désire. Mais altéré aussi celui qui est lésé dans son intégrité, étranger à lui-même. "Alter", c'est toujours l'autre, celui qui manque.

Et comment l'homme ne serait-il pas altéré dans les deux sens du mot, puisque tout vit en lui, puisqu'il résume la création dont il est le terme, qu'il va vers le tout, qu'il pourrait l'être mais qu'il ne l'est pas". 


vendredi 28 mai 2021

Chevrillon (extase / Shelley / Amiel)

 

Chevrillon (André)*, Dans l'Inde (III) [Revue des deux mondes 3° période, tome 103, 1891] : 

"Shelley s’est fait terre avec la terre, fleur avec la fleur, ruisseau avec le ruisseau. Il s’est projeté dans toutes les formes, sa poésie est un reflet mouvant de la nature mouvante. Le sentiment durable sur lequel s’assoit une personnalité en est absent, et chez lui la sensation du moi est réduite à un minimum. A tous moments, il parle de cette extase dans laquelle on ne fait plus qu’un avec l’objet contemplé. Son âme n’est point distincte, isolée dans la nature, mais s’y éparpille toute. Par suite, toutes les formes de la nature lui apparaissent comme animées et vivantes, capables de sensation et de plus toujours en mouvement, toujours changeantes, toujours transformées. La sensation de la Vie, de la Vie à la fois une et multiple, voilà ce qu’exprime sa poésie. Au fond de l’univers il perçoit une âme, une âme dont nous sommes les pensées, dans laquelle la mort nous absorbe, qui tressaille dans le ver de terre et dans l’étoile, une âme dont la nature est le vêtement mystique, cachée sous les choses visibles et qu’à de rares minutes nous voyons luire à travers les formes belles et nobles comme une flamme pâle à l’intérieur d’un vase d’albâtre translucide. Qu’on relise ce Prométhée déchaîné, où tous les êtres s’unissent en chœur, et surtout l’étonnant dialogue de la Terre et de la Lune, et que l’on dise s’il n’a pas été ivre de la vie universelle éternellement jaillissante, circulant à travers toutes les choses, s’il n’a pas été transporté par la vision du Brahma vivant déployé au dehors dans les sons, le parfums et les couleurs.— Il n’a pas été au-delà. Il n’a pas aperçu le Brahma neutre, l’inqualifîé, l’immobile. Des deux étapes de l’intelligence et de la sensibilité hindoue, il n’a parcouru que la première. Il a connu le rêve, l’allégresse, l’extase des poètes védiques, il n’est pas allé jusqu’à l’inertie des gymnosophistes. Il fut panthéiste, mais d’un panthéisme joyeux, et il est resté sain et vaillant.

Amiel est un cas plus complet. Il a pénétré sous le Brahma vivant, il s’est engourdi dans l’immobilité du brahme « affranchi, » et chez lui l’aptitude au rêve et à la spéculation, la paralysie de la volonté, ont justement eu pour point de départ la faculté plastique que nous avons aperçue à l’origine du panthéisme hindou. « Mon esprit, dit-il, est le cadre vide d’un millier d’images effacées. Il est sans matière, il n’est plus que forme. Rentrer dans ma peau m’a toujours paru curieux, chose arbitraire et de convention. Je me suis apparu comme boîte à phénomènes, comme sujet sans individualité déterminée, et par conséquent ne me résignant qu’avec effort à jouer le rôle d’un particulier inscrit dans l’état civil d’une certaine ville et d’un certain pays. » 


* cf. Wikipédia 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9_Chevrillon


jeudi 27 mai 2021

Dali (architecture)

Dalí, Les cocus du vieil art moderne : 

"Alors que j’avais à peine vingt et un ans,  je me suis trouvé un jour à déjeuner en compagnie de l’architecte masochiste et protestant Le Corbusier qui est, comme on le sait, l’inventeur de l’architecture d’auto-punition. Le Corbusier me demanda si j’avais des idées sur l’avenir de son art. Oui, j’en avais. J’ai d’ailleurs des idées sur tout. Je lui répondis que l’architecture serait 'molle et poilue' et j’affirmais catégoriquement que le dernier grand génie de l’architecture s’appelait Gaudí dont le nom, en catalan, signifie 'jouir', de même que Dalí veut dire 'désir'. Je lui expliquais que la jouissance et le désir sont le propre du catholicisme et du gothique méditerranéens réinventés et portés à leur paroxysme par Gaudí. En m’écoutant, Le Corbusier avait l’air d’avaler du fiel." 


mardi 25 mai 2021

Cohen (âme, amour)

 

Cohen (Albert), Le Livre de ma mère Folio p. 89-90 :

"Si le pauvre Roméo avait eu tout à coup le nez coupé net par quelque accident, Juliette, le revoyant, aurait fui avec horreur. Trente grammes de viande de moins, et l'âme de Juliette n'éprouve plus de nobles émois. Trente grammes de moins et c'est fini, les sublimes gargarismes au clair de lune, les « ce n'est pas le jour, ce n'est pas l'alouette ». Si Hamlet avait, à la suite de quelque trouble hypophysaire, maigri de trente kilos, Ophélie ne l'aimerait plus de toute son âme. L'âme d'Ophélie pour s'élever à de divins sentiments a besoin d'un minimum de soixante kilos de biftecks. Il est vrai que si Laure était devenue soudain cul-de-jatte, Pétrarque lui aurait dédié de moins mystiques poèmes. Et pourtant, la pauvre Laure, son regard serait resté le même et son âme aussi. Seulement, voilà, il lui faut des cuissettes à ce monsieur Pétrarque, pour que son âme adore l'âme de Laure. Pauvres mangeurs de viande que nous sommes, nous, avec nos petites blagues d'âme." 


Cousin (autonomie)

 

Cousin, Sur les fondements des idées absolues du vrai, du beau et du bien, 1818 :

"La religion et la morale sont ce qu'il y a de plus élevé ; il ne faut donc les mettre au service d'aucune autre chose que d'elles-mêmes, ni surtout au service de l'intérêt. Il faut de la religion pour la religion, de la morale pour la morale, comme de l’art pour l'art. Le bien et le saint ne peuvent être la route de l'utile, ni même du beau ; de même que le beau ne peut être la voie ni de l'utile, ni du bien , ni du saint ; il ne conduit qu'à lui-même. Rappelez-vous ce que nous avons dit des trois formes de l'infini, et vous reconnaîtrez à quelle hauteur l'art s’élève dans celte théorie. Dieu se manifeste à nous par trois formes accessibles à notre faiblesse : par l'idée du vrai, par l'idée du bien et par l'idée du beau ; ces trois idées sont toutes trois filles du même père, et égales entre elles, toutes trois contemporaines dans l'esprit humain comme dans la vérité éternelle : ni l’une ni l'autre ne doit être mise au service de ses sœurs. On a dit que les Grecs avaient conçu la poésie comme un moyen politique : quand ils célébraient sur le théâtre l'héroïsme de leurs ancêtres, ils étaient portés, dit-on, à imiter ces modèles. Je l'accorde ; mais ce patriotisme, enfanté par l'art, n'était que sa création médiate. Le poète avait d'abord excité le sentiment du beau. Il en est de tous les arts comme de la poésie."


lundi 24 mai 2021

Hopkins (beauté)

 

Hopkins (G. M.), traduction P. Leyris, Anthologie bilingue de la poésie anglaise Pléiade p. 1046-1047 :


Beauté piolée

Gloire à Dieu pour les choses bariolées,

Pour les cieux de tons jumelés comme les vaches tavelées,

Pour les roses grains de beauté mouchetant la truite qui nage ;

Les ailes des pinsons ; les frais charbons ardents des marrons chus ; les paysages

Morcelés, marquetés – friches, labours, pacages ;

Et les métiers : leur attirail, leur appareil, leur fourniment.

Toute chose insolite, hybride, rare, étrange,

Ou moirée, madrurée (mais qui dira comment ?)

De lent-rapide, d’ombreux-clair, de doux-amer,

Tout jaillit de Celui dont la beauté ne change :

Louange au Père !


Pied Beauty

Glory be to God for dappled things —

For skies of couple-colour as a brinded cow ;

For rose-moles all in stipple upon trout that swim ;

Fresh-firecoal chestnut-falls ; finches’ wings ;

Landscape plotted and pieced — fold, fallow, and plough ;

And all trades, their gear and tackle and trim.

All things counter, original, spare, strange ;

Whatever is fickle, freckled (who knows how ?)

With swift, slow ; sweet, sour ; adazzle, dim ;

He fathers-forth whose beauty is past change :

Praise Him.


dimanche 23 mai 2021

Thompson + Agee + Barber (soir)


Thompson Jim, 1275 Âmes, chap. XI, trad. Duhamel (1966) :

"Je m’étale sur le lit, après avoir replié la couverture, pour ne pas la salir avec mes bottes. Par la fenêtre ouverte, j’entends chanter les criquets comme toujours après la pluie. De temps en temps, un crapaud lâche un corrouah retentissant, comme une grosse caisse battant la mesure. Tout à l’autre bout du pays, quelqu’un tire de l’eau à la pompe, plomp pchchch… plomp pchchch, pendant qu’une femme appelle son mioche : Henry Clay, ououh, Hen Clay Houston ! veux-tu rentrer tout de suite ! L’odeur de terre mouillée monte dans l’air, et j’en connais pas de meilleure. Et puis… et puis tout est merveilleux, tout est chouette."


Thompson Jim, Pottsville, 1280 Habitants, chap XI, trad. Gratias (2016) :

"Je m’allonge sur mon lit, après avoir replié la courtepointe pour ne pas la salir avec mes bottes. La fenêtre est ouverte, et j’entends les grillons qui chantent, comme ils le font toujours après la pluie. De temps en temps, une grenouille-taureau lance un coassement grave ; on dirait un batteur qui marque le tempo à la grosse caisse. À l’autre bout de la ville, quelqu’un tire de l’eau à la pompe, plome-ouiche, plome-ouiche, et on entend une mère qui appelle son môme : Henry Clay ! Ohé, Henry Clay Houston ! Rentre à la maison, maintenant ! Et l’air est envahi par l’odeur de la terre trempée de pluie, l’odeur la plus agréable qui soit. Et… et tout est parfait."


Thompson Jim, Pop. 1280 chap XI (1964) :

I stretched out on the bed, with the spread turned back so that my boots wouldn’t soil it. The window was open, and I could hear the crickets singing, like they always do after a rain. Now and then a bullfrog would sound off with a loud kerrumph, like a bass drummer keeping time. Way off across town, someone was pumping water, p-plump, whish, p-plump, whish, and you could hear some mother calling her kid, “Henry Clay, oooh, Hen-ry Clay Houston ! You come home now !” And the smell of fresh-washed soil was in the air, just about the nicest smell there is. And…and everything was fine.



Agee, Knoxville, Summer of 1915 [1938]

[source : Amazon Web Services ; traduction non-créditée, avec quelques coupures]

"... C’était l’heure de la journée où les gens s’assoyaient sur la galerie, se balançaient et parlaient doucement tout en regardant la rue, les arbres et ces paradis suspendus d’oiseaux, les hangars qui s’élevaient dans leur sphère de possession. Les gens et les choses allaient et venaient. Un cheval, tirant une carriole, brisant de ses pas sur l’asphalte la monotonie du métal résonnant ; une voiture bruyante ; une voiture silencieuse ; des gens marchant deux par deux, sans presse, le pas traînant, balançant le poids de leur corps estival, parlant sans gêne, entourés d’un parfum de vanille, de fraise, de carton et de lait amidonné, l’image même d’amoureux et de cavaliers encadrés de clowns d’un ambre transparent. Le gémissement métallique d’un tram ; le tram arrêté, puis qui sonne sa cloche et repart, soufflant, secouant sa torpeur puis laissant monter encore la plainte du fer. Devant nos yeux coule sa succession incessante de fenêtres dorées et de sièges de paille tandis qu’au-dessus résonne le crépitement des étincelles, comme un petit mauvais génie attaché à ses rails ; le gémissement de fer s’élève en même temps que la vitesse ; il s’élève encore un peu, puis retombe, s’arrête, le son de la cloche est lointain ; le bruit s’élève à nouveau, puis retombe, encore et encore ; il disparaît, oublié. L’heure est à la rosée du soir.

L’heure est à la rosée du soir, mon père a vidé et rangé le tuyau d’arrosage.

Un chatoiement de lueurs palpite au ras des pelouses [...].

Les parents se balancent sur la galerie. Sur des fils humides pendent les visages antiques des volubilis.

Le crépitement sec et exalté des cigales envahit l’air et enchante immédiatement mes oreilles.

Sur l’herbe broussailleuse et humide de la cour, mon père et ma mère ont étendu des courtepointes. Nous y voilà tous étendus, mon père, ma mère, mon oncle, ma tante et moi aussi [...]. Ils ne parlent pas beaucoup, et encore à voix basse, de rien de particulier, de vraiment rien de particulier, de rien du tout. Les étoiles semblent immenses et vivantes ; on dirait qu’elles nous sourient avec beaucoup d’affection ; elles semblent si près. Tous mes proches sont des corps plus grands que moi [...] avec leur voix douce et insignifiante comme la voix des oiseaux qui sommeillent. L’un d’eux est un artiste qui habite à la maison. Une autre est musicienne, elle habite à la maison. Une est ma mère qui est bonne pour moi. Un est mon père qui est bon pour moi. Les voici tous, par hasard, sur cette terre ; et qui donc nous dira la peine d’être là, couchés sur ces courtepointes, sur l’herbe, par un soir d’été, parmi les bruits de la nuit. Que Dieu bénisse mes proches, mon oncle, ma tante, ma mère, mon bon père. Ah! Souvenez vous d’eux dans leurs heures difficiles ; et à l’heure de leur disparition.

Un peu plus tard, on m’emporte dans mon lit. Le sommeil souriant m’attire ; et eux qui me reçoivent et me traitent avec douceur, comme un être cher de la maison ; mais jamais, oh non jamais, ni maintenant, ni plus tard, je ne leur dirais qui je suis.


V.O. sans coupures : 


« [...] It has become that time of evening when people sit on their porches, rocking gently and talking gently and watching the street and the standing up into their sphere of possession of the trees, of birds hung havens, hangars. People go by ; things go by. A horse, drawing a buggy, breaking his hollow iron music on the asphalt ; a loud auto ; a quiet auto ; people in pairs, not in a hurry, scuffling, switching their weight of aestival body, talking casually, the taste hovering over them of vanilla, strawberry, pasteboard and starched milk, the image upon them of lovers and horsemen, squared with clowns in hueless amber. A street car raising its iron moan ; stopping, belling and starting ; stertorous ; rousing and raising again its iron increasing moan and swimming its gold windows and straw seats on past and past and past, the bleak spark crackling and cursing above it like a small malignant spirit set to dog its tracks ; the iron whine rises on rising speed ; still risen, faints ; halts, the faint stinging bell ; rises again, still fainter, fainting, lifting, lifts, faints forgone: forgotten. Now is the night one blue dew.

Now is the night one blue dew, my father has drained, he has coiled the hose.

Low on the length of lawns, a frailing of   fire who breathes.

Content, silver, like peeps of light, each cricket makes his comment over and over in the drowned grass.

A cold toad thumpily flounders.

Within the edges of damp shadows of side yards are hovering children nearly sick with joy of fear, who watch the unguarding of a telephone pole.

Around white carbon corner lamps bugs of all sizes are lifted elliptic, solar systems. Big hardshells bruise themselves, assailant: he is fallen on his back, legs squiggling.

Parents on porches: rock and rock: From damp strings morning glories : hang their ancient faces.

The dry and exalted noise of the locusts from all the air at once enchants my eardrums.

On the rough wet grass of the back yard my father and mother have spread quilts. We all lie there, my mother, my father, my uncle, my aunt, and I too am lying there. First we were sitting up, then one of us lay down, and then we all lay down, on our stomachs, or on our sides, or on our backs, and they have kept on talking. They are not talking much, and the talk is quiet, of nothing in particular, of nothing at all in particular, of nothing at all. The stars are wide and alive, they seem each like a smile of great sweetness, and they seem very near. All my people are larger bodies than mine, quiet, with voices gentle and meaningless like the voices of sleeping birds. One is an artist, he is living at home. One is a musician, she is living at home. One is my mother who is good to me. One is my father who is good to me. By some chance, here they are, all on this earth ; and who shall ever tell the sorrow of being on this earth, lying, on quilts, on the grass, in a summer evening, among the sounds of night. May god bless my people, my uncle, my aunt, my mother, my good father, oh, remember them kindly in their time of trouble ; and in the hour of their taking away.

After a little I am taken in and put to bed. Sleep, soft smiling, draws me unto her: and those receive me, who quietly treat me, as one familiar and well-beloved in that home: but will not, oh, will not, not now, not ever ; but will not ever tell me who I am. »


mis en musique par Samuel Barber en 1948 :


- notice Wikipedia : 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Knoxville:_Summer_of_1915


- exécution :

- avec partition 

https://www.youtube.com/watch?v=1uq1st54E6Q


- sans partition (Renée Fleming) :

https://www.youtube.com/watch?v=LzDAkA67ZsY