Walser (R.), La Promenade traduction Lortholary p. 121 sq :
"La promenade, répliquai-je, m'est indispensable pour me donner de la vivacité et maintenir mes liens avec le monde, sans l'expérience sensible duquel je ne pourrais ni écrire la moitié de la première lettre d'une ligne, ni rédiger un poème, en vers ou en prose. Sans la promenade, je serais mort et j'aurais été contraint depuis longtemps d'abandonner mon métier, que j'aime passionnément. Sans promenade et sans collecte de faits, je serais incapable d'écrire le moindre compte rendu, ni davantage un article, sans parler d'écrire une nouvelle. Sans promenade, je ne pourrais recueillir ni études, ni observations. Un homme aussi subtil et éclairé que vous comprendra cela immédiatement. [...] Une promenade me sert professionnellement, mais en même temps elle me réjouit personnellement ; elle me réconforte, me ravit, me requinque, elle est une jouissance, mais qui en même temps a le don de m'aiguillonner et de m'inciter à poursuivre mon travail, en m'offrant de nombreux objets plus ou moins significatifs qu'ensuite, rentré chez moi, j'élaborerai avec zèle. [...] Savez-vous que je travaille dur, dans ma tête, et obstinément, et que souvent peut-être je suis actif au meilleur sens du mot, alors que j'ai tout l'air d'être un individu sans responsabilité, un rôdeur à mine patibulaire, paresseux, rêveur et indolent, qui se perd dans le bleu ou le vert, sans penser ni travailler ?"