... une sélection de passages de la correspondance de Flaubert, dont je ne sais plus si je l'ai constituée moi-même, ou si je l'ai recopiée quelque part... Plus probablement recopiée, car aucune référence n'est indiquée.
"C'est le plus grand supplice que l'on puisse endurer que de vivre avec des gens qu'on n'aime pas. J'ai connu peu d'êtres dont la société ne m'ait inspiré l'envie d'habiter le désert."
"J'ai été à Rouen, au concert. Le plaisir d'entendre de fort belle musique bien jouée a été compensé par la vue des gens qui le partageaient avec moi."
"Il faut que j'aille à Rouen pour un enterrement ; quelle corvée ! Ce n'est pas l'enterrement qui m'attriste, mais la vue de tous les bourgeois qui y seront. La contemplation de la plupart de mes semblables me devient de plus en plus odieuse, nerveusement parlant."
"Mais quant à faire partie effectivement de quoi que ce soit en ce bas monde, non! non! et mille fois non! Je ne veux pas plus être membre d'une revue, d'un cercle ou d'une académie, que je ne veux être conseiller municipal ou officier de la garde nationale."
"Ce n'est pas parce qu'un imbécile a deux pieds comme moi, au lieu d'en avoir quatre comme un âne, que je me crois obligé de l'aimer, ou tout au moins de dire que je l'aime, et qu'il m'intéresse."
"Je me sens maintenant pour mes semblables une haine sereine, ou une pitié tellement inactive que c'est tout comme. L'état politique des choses a confirmé mes vieilles théories a priori sur le bipède sans plumes, que j'estime être tout ensemble un dinde et un vautour".
"On ne peut causer qu'avec très peu de monde. Le nombre des imbéciles me paraît, à moi, augmenter de jour en jour. Presque tous les gens qu'on connaît sont intolérables de lourdeur et d'ignorance. On va et revient du mastoc au futile."
"L'idée seule de mes contemporains me fatigue."
"Je me retire de plus en plus dans mon trou, pour n'avoir rien de commun avec mes semblables - lesquels ne sont pas mes semblables."
"Est-ce moi qui deviens insociable ou les autres qui bêtifient? Je n'en sais rien. Mais la société "du monde" actuellement, m'est intolérable !"
"C'est là ce qu'il me faut: l'écartement de toute manifestation extérieure; Et j'ose dire de toute relation humaine."
"L'insupportabilité de la sottise humaine est devenue chez moi une maladie et le mot est faible. Presque tous les humains ont le don de m'exaspérer et je ne respire librement que dans le désert."
"Moi, de jour en jour, je sens s'opérer dans mon cœur un écartement de mes semblables qui va s'élargissant et j'en suis content, car ma faculté d'appréhension à l'endroit de ce qui m'est sympathique va s'élargissant, et à cause de cet écartement même."
"Je ne suis pas sociable, définitivement. La vue de mes semblables m'alanguit. Cela est très exact et littéral."
"Nous dansons non pas sur un volcan, mais sur la planche d'une latrine qui m'a l'air passablement pourrie. La société prochainement ira se noyer dans la merde de dix-neuf siècles, et l'on gueulera raide."
"Je suis, plus que jamais, irascible, intolérant, insociable, exagéré, Saint Polycarpien***. Ce n'est pas à mon âge qu'on se corrige !"
*** Saint Polycarpe, patron des silencieux, selon Flaubert