samedi 23 décembre 2023

Chopin (public)

Chopin, à son ami Titus, à propos de son "deuxième" concerto, à Varsovie, en 1830 :

— tel que cité dans une émission d'Anne-Charlotte Reymond : 

"Bien que la salle fût remplie et que trois jours auparavant toutes les loges et tous les fauteuils fussent loués, mon premier concert n'a pas produit sur la masse l'impression que j'espérais. Le premier allegro, accessible au petit nombre, fut applaudi, mais il le fut, me semble-t-il, parce qu'il sembla de bon ton au public de paraître s'y intéresser et d'imiter les connaisseurs."


— tel qu'on le trouve sur le site Hypérion : 

"Il n’y a qu’un petit nombre d’auditeurs qui peuvent apprécier le premier Allegro ; il y eut quelques bravos, mais je crois que c’était seulement parce qu’ils ne savaient que penser : – «qu’est-ce que cela veut dire ?» se demandaient-ils, et se virent forcés de prétendre comprendre !"


vendredi 22 décembre 2023

Manet (Staël)

ManetL'Embarcadère de Boulogne


https://www.meisterdrucke.fr/kunstwerke/1200w/Edouard_Manet_-_Lembarcadere_a_Boulogne_sur_Mer_(The_jetty_of_Boulogne-sur-Mer)_Peinture_dEdouar_-_(MeisterDrucke-1314616).jpg


Les bateaux à l'arrière-plan sont des petits Staël : 



jeudi 21 décembre 2023

Chassignet (mort)

Chassignet, Un cors mangé de vers 

(Le Mespris de la vie et consolation contre la mort, cité par Jean Rousset, Anthologie de la poésie baroque, Corti, 1988, t. 2, p. 114)


Mortel, pense quel est dessous la couverture 

D’un charnier mortuaire un cors mangé de vers, 

Descharné, desnervé, où les os descouvers, 

Depoulpez, desnouez, delaissent leur jointure ;


Icy l’une des mains tombe de pourriture, 

Les yeux d’autre costé destournez à l’envers

Se distillent en glaire, et les muscles divers 

Servent aux vers goulus d’ordinaire pasture ;


Le ventre deschiré cornant de puanteur 

Infecte l’air voisin de mauvaise senteur, 

Et le né my-rongé difforme le visage ;


Puis connoissant l’estat de ta fragilité,

Fonde en Dieu seulement, estimant vanité 

Tout ce qui ne te rend plus scavant et plus sage.


inspiré de Ronsard :

https://lelectionnaire.blogspot.com/2022/11/ronsard-vieillesse.html



mercredi 20 décembre 2023

Cervantès (livres)

Cervantès, Don Quichotte I, chap. 47 :

"Pour que la fiction puisse plaire, ne doit-elle pas approcher un peu de la vérité, et n'est-ce pas une règle du bon sens que, pour être divertissantes, les aventures ne doivent pas sembler impossibles ? 

Il conviendrait, selon moi, que les ouvrages d'imagination soient composés de manière à ne pas choquer le sens commun, et qu'après avoir tenu l'esprit en suspens, ils en viennent à l'émouvoir, à le ravir, et à lui causer autant de plaisir que d'admiration ; ce qui est toute la perfection d'un livre. Eh bien, quel livre de chevalerie a-t-on jamais vu dont tous les membres forment un corps entier, c'est-à-dire dont le milieu répondît au commencement, et la fin au commencement et au milieu ? Loin de là, les auteurs les composent de tant de membres dépareillés, qu'on dirait qu'ils se sont plutôt proposé de peindre un monstre ou une chimère qu'une figure avec ses proportions naturelles. 

Outre cela, leur style est rude et grossier, les prouesses qu'ils racontent sont incroyables, leurs aventures d'amour blessent la pudeur ; ils sont prolixes dans la description des batailles, ignorants en géographie, et extravagants dans les voyages ; finalement dépourvus de tact, d'art, d'invention, et dignes d'être chassés de tous les Etats, comme gens inutiles et dangereux."  

  

Y, si a esto se me respondiese que los que tales libros componen los escriben como cosas de mentira, y que así, no están obligados a mirar en delicadezas ni verdades, responderles hía yo que tanto la mentira es mejor cuanto más parece verdadera, y tanto más agrada cuanto tiene más de lo dudoso y posible. Hanse de casar las fábulas mentirosas con el entendimiento de los que las leyeren, escribiéndose de suerte que, facilitando los imposibles, allanando las grandezas, suspendiendo los ánimos, admiren, suspendan, alborocen y entretengan, de modo que anden a un mismo paso la admiración y la alegría juntas; y todas estas cosas no podrá hacer el que huyere de la verisimilitud y de la imitación, en quien consiste la perfeción de lo que se escribe. No he visto ningún libro de caballerías que haga un cuerpo de fábula entero con todos sus miembros, de manera que el medio corresponda al principio, y el fin al principio y al medio; sino que los componen con tantos miembros, que más parece que llevan intención a formar una quimera o un monstruo que a hacer una figura proporcionada. Fuera desto, son en el estilo duros; en las hazañas, increíbles; en los amores, lascivos; en las cortesías, mal mirados; largos en las batallas, necios en las razones, disparatados en los viajes, y, finalmente, ajenos de todo discreto artificio, y por esto dignos de ser desterrados de la república cristiana, como a gente inútil."


mardi 19 décembre 2023

Cendrars (éducation)

Cendrars, Moravagine II, chap o, p. 384 : 

"L'instruction obligatoire aboutit au plus bel élagage de la personnalité. On enseigne le conformisme aux enfants. On leur inculque le respect du formalisme. Bon ton, bon goût, savoir-vivre. La vie de la famille française se passe en cérémonies solennellement ridicules et vieillottes. L'ennui est le seul prodige. La seule ambition d'un adolescent est de devenir rapidement fonctionnaire, comme son père. Notariat, pompes funèbres, tradition."


lundi 18 décembre 2023

Cioran (France)

Cioran, De la France (1941) :

"Qu’est-ce que la Décadence, qu’est-ce la France ? Du sang rationnel. Il la place dans une situation de contraste par rapport aux « primitifs », qui ne doivent pas être entendus seulement dans les arts, mais sur tous les plans de l’esprit. La France est tout ce qu’il y a de moins primitif, c’est à dire de frais, de direct, d’absolu. Le stade originel d’une civilisation est caractérisé par la relation naïve à l’objet et aux valeurs. Un « primitif » crée sans le savoir, sans obsession technique ou réflexion esthétique, à partir de l’instinct qui le place dans la vie des choses. Il est l’homme qui vit dans l’extase de l’objet. C’est pourquoi sa vision est si peu problématique et si peu contaminée par les doutes et la conscience.

Au stade crépusculaire d’une civilisation, le doute remplace l’extase, et les réflexes ne servent plus de réponse immédiate à la présence des objets. Nous nous trouvons aux antipodes des époques primitives. L’artiste devient un savant de la perception – par dégoût du regard – et l’homme une créature parallèle à elle-même. Autrefois, il respirait dans les mythes ou en Dieu ; à présent, dans les considérations faites à leur sujet."


dimanche 17 décembre 2023

Benjamin (traduction)

Benjamin, in Jean-Paul (Richter), La Vie de Fibel, préface, où les réflexions de Walter Benjamin (et de Pannwitz) sur la traduction sont résumées par Gaétan Picon et Claude Pichois à propos de la traduction de l'Énéide par Pierre Klossowski  

Picon : 

"En tant qu'entreprise littéraire, la traduction n'est justifiée que pour être l'animation, l'élargissement de la langue traductrice par la langue traduite – si bien que c'est au bénéfice de celle-là qu'elle s'opère, non au bénéfice de celle-ci (et pas davantage à celui du lecteur). Traduire n'est pas informer, refléter – mais ouvrir une langue en s'appuyant sur une autre. Benjamin cite ces mots remarquables d'un autre essayiste allemand, Rudolf Pannwitz : "Nos versions, même les meilleures, partent d'un faux principe : elles prétendent germaniser le sanscrit, le grec, l'anglais, au lieu de sanscritiser l'allemand, de l'helléniser, de l'angliciser." 

Pichois : 

"Germaniser la langue française, nous nous y sommes efforcés. Tendre la langue jusqu'à son point d'éclatement. Mais, malgré les exercices d'assouplissement auxquels la langue française a été soumise depuis près d'un siècle – on a rapproché la phrase de Proust de celle de Jean-Paul –, il n'en reste pas moins que sa structure demeure rigide."