Chalumeau Laurent, F*ck [1991] p. 145-146 :
« Maintenant, qu'est-ce qui, dans le frottement d'un tube de fer ou de verre contre des cordes métalliques, sait agir si fortement sur notre imagination ? Posons la question au plus grand joueur de slide guitar vivant, Ry Cooder : « Je serais tenté de dire que c'est une question d'espace, autrement dit, le bottleneck ne débouche pas sur un volume musical parfaitement plein. Une partie reste vide, libre, ouverte. Vous plaquez une note et le "boinnggg" ou l'effet que vous obtenez en frottant le verre contre la corde, dans sa structure, dans sa densité même, laisse pas mal d'espace dégagé, disponible, inachevé - vous entendez la note, mais elle n'est ni finie, ni fixée. Vous entendez aussi le silence qui l'entoure et vers lequel elle s'effiloche par les deux bouts. D'où ce sentiment d'amplitude et, par association d'idées, d'amplitude spatiale. Le but est d'atteindre cet espace musical, de la profondeur de champ, du recul, un horizon dégagé. Ensuite, bien sûr, on est tenté d'y associer des paysages. Les gens, en fait, voient mieux qu'ils n'écoutent. »
L’éventail est large : plaqué avec férocité contre le manche d'une guitare électrique, sensiblement en son milieu, le bottleneck produit l'équivalent sonore des étincelles, copeaux et autres scories provoqués par le contact du métal d'une lame avec l'ébarboir d'un rémouleur.
Appliqué en bas du manche, vers les notes graves, le cou de bouteille provoque un bruit de casserole, de voiture bringuebalante, de barreaux qu'on scie à la lime à ongle. Mais pratiquée doucement, note par note, et au-dessus de la septième barrette d'un manche de guitare électrique, là où les aigus commencent enfin, la slide guitar initie à un monde de glissandi lascifs, de trémolos érogènes, de raclettes canailles, de frottis langoureux et de traînées mélancolos. »