Innocent III, De miseria condicionis humane [écrit entre 1190 et 1198] III, 1 :
« L'homme est conçu du sang par l'ardente putréfaction du désir, comme si de funestes vers se tenaient auprès de son corps. Vivant, il engendre des poux et des lombrics ; mort, il génère des vers et des mouches. Vivant, il produit des excréments et du vomi ; mort, il produit de la pourriture et de la puanteur. Vivant, il n'engraisse qu'un seul homme ; mort, il engraisse de nombreux vers. [...] À quoi servent donc les richesses ? Les festins ? Les voluptés ? Ils ne nous affranchiront pas de la mort, ils ne nous préserveront pas du ver, ils ne nous soustrairont pas à la puanteur. Celui qui tantôt siégeait, glorieux, sur le trône, tantôt gît, méprisé, dans le tombeau. Celui qui tantôt rayonnait, paré, à la cour, tantôt est avili, nu, dans la tombe. Celui qui tantôt se repaissait de mets délicieux à table, tantôt est mangé par les vers dans le sépulcre.
[…] Qui fera jaillir de mes yeux une fontaine de larmes pour pleurer le misérable commencement de la condition humaine, le coupable avancement de la vie humaine, la damnable fin de la dissolution humaine ? Je considérerai donc avec des larmes de quoi l'homme est fait, ce qu'il fait et ce qu'il deviendra. Il est fait de terre, conçu dans le péché, né pour la peine ; il commet des actes mauvais qui sont interdits, des actes honteux qui ne conviennent pas, des actes vains qui ne profitent pas ; il deviendra aliment du feu, nourriture des vers, masse de putréfaction ».
Céline, Mea culpa [1936] : « La supériorité pratique des grandes religions chrétiennes, c’est qu’elles doraient pas la pilule. Elles essayaient pas d’étourdir, elles cherchaient pas l’électeur, elles sentaient pas le besoin de plaire, elles tortillaient pas du panier. Elles saisissaient l’Homme au berceau et lui cassaient le morceau d’autor. Elles le rencardaient sans ambages : » Toi petit putricule* informe, tu seras jamais qu’une ordure… De naissance tu n’es que merde… Est-ce que tu m’entends ?… C’est l’évidence même, c’est le principe de tout ! Cependant, peut-être… peut-être… en y regardant de tout près… que t’as encore une petite chance de te faire un peu pardonner d’être comme ça tellement immonde, excrémentiel, incroyable… C’est de faire bonne mine à toutes les peines, épreuves, misères et tortures de ta brève ou longue existence. Dans la parfaite humilité… La vie, vache, n’est qu’une âpre épreuve ! T’essouffle pas ! Cherche pas midi à quatorze heures ! Sauve ton âme, c’est déjà joli ! Peut-être qu’à la fin du calvaire, si t’es extrêmement régulier, un héros, ‘de fermer ta gueule’, tu claboteras dans les principes… Mais c’est pas certain… un petit poil moins putride à la crevaison qu’en naissant… et quand tu verseras dans la nuit plus respirable qu’à l’aurore… Mais te monte pas la bourriche ! C’est bien tout !…Fais gaffe ! Spécule pas sur des grandes choses ! Pour un étron c’est le maximum !… »
Ça ! c’était sérieusement causé ! Par des vrais pères de l’Église ! Qui connaissaient leur ustensile ! qui se miroitaient pas d’illusions ! »