Jünger, Journaux, Pléiade t. 2 p. 278-279 :
"À propos de la catastrophe dans la vie d'un homme : la lourde roue qui nous broie, le coup de feu du meurtrier ou de l'étourdi, qui nous atteint. La matière inflammable s'accumulait depuis longtemps en nous, on y met la mèche à cet instant, de l'extérieur. C'est de l'intérieur de nous que part l'explosion.
Ainsi mes nombreuses blessures au cours de la Première Guerre mondiale. Elles correspondaient à l'esprit ardent qui m'animait et qui s'ouvrait ainsi des issues, parce qu'il était trop puissant pour mon corps. De même les sauvages disputes, querelles de jeu ou d'amour, qui entraînent des dégâts dans tout l'être et souvent le suicide. La vie, en quelque sorte, se jette sur le canon du pistolet."
cf. p. 216 :
"C'est nous qui dirigeons l'expérience vécue ; le monde nous donne les instruments appropriés. Nous sommes chargés d'un genre d'énergie déterminé ; les objets adéquats bondissent alors à sa rencontre. Sommes-nous virils, les femmes surviennent. Ou enfantins, les cadeaux affluent. Et si nous sommes pieux - - - »
et p. 212 :
"C'est nous qui engendrons les connaissances que nous faisons ; un nouvel être humain est comme un germe qui se développe au plus profond de nous."
NB : "inessence" : principe métaphysique (cf. Leibniz) selon lequel tout ce qui semble arriver du dehors à une substance provient en réalité de son propre fonds, du développement de sa nature ; les prétendus "accidents" sont en réalité des propriétés intimes qui se manifestent.