vendredi 25 juillet 2025

Caro (anniversaire)

Caro (F.), Le Discours :

"Le soir même de mes trente ans, j’étais sur le canapé avec mes parents et nous avions regardé Le Gendarme de Saint-Tropez, et c’est probablement la définition la plus précise que l’on puisse donner de la dépression. C’était l’été, c’était un samedi soir, le monde s’activait, grouillait, ailleurs il y avait des festivals, des concerts, des familles en short sur la plage, des rires, des cocktails aux noms brésiliens, de la moiteur au clair de lune, des tubes de l’été qui font se frotter les ventres les uns contre les autres, moi je regardais Louis de Funès courir derrière des filles nues, et mes parents riaient comme si ce n’était pas la trente-sixième fois qu’ils voyaient cette scène. Si à dix-sept ans on m’avait dit : Le soir de tes trente ans, tu regarderas Le Gendarme de Saint-Tropez seul avec tes parents, je ne sais pas si j’aurais eu envie de continuer la route […]."


mercredi 23 juillet 2025

Caro (F.) (masse)

Caro (Fabrice ), Figurec, chap. 44 : 

"La masse attire la masse. Tu colles deux restos, l’un des deux peut proposer la pire des tambouilles, s’il est rempli, les gens se battront pour le remplir encore plus. La populace aime pas prendre de risques et le meilleur moyen de pas prendre de risques, c’est de suivre les autres. L’être humain il a un neurone pour ça, un neurone qui lui dit si tout le monde le fait, c’est que ça doit être bon pour moi. L’homme a horreur du vide, il a qu’une peur, c’est se retrouver seul face à lui-même, face à sa pauvre condition. Alors on lui fabrique un tas de trucs pour qu’il soit accompagné en permanence, la téloche, Internet, le portable… Personne va dans un endroit vide, mon gars. Entrer dans un commerce vide, c’est comme se jeter du haut d’une falaise. On a besoin de sentir la connerie humaine à proximité, c’est une chaleur qui rassure…"



dimanche 20 juillet 2025

Confiant (roman)

Confiant, L'Allée des soupirs chap. 14 : 

"Tout un chacun ici est un héros possible de roman. Personne n'est insignifiant car la vie de chacun est comme redoublée par l'effet de grotesque. Il y a comme... comme un excès de vie en chaque être et il suffit de gratter légèrement le vernis du quotidien pour se rendre compte que chacun est le fruit d'une somme incroyable de déraisons, de légendes entremêlées, d'hérédités biologiques et sociales proprement inouïes. En Europe, nos vies sont en un sens plus simples.

[...] Il faut inventer [...] une forme neuve, une architecture disparate qui soit en mesure, comment dire... qui puisse épouser chaque méandre de la réalité sans pour autant prétendre l'épuiser. Il faudrait bâtir le roman créole à l'aide de pans inachevés. Donner à lire un monde hétéroclite, un peu sur le modèle de vos cases créoles. Regardez celles des Terres-Sainvilles ou du Morne Pichevin : deux feuilles de tôle ondulée ici, trois bouts de planche là, quelques briques hâtivement empilées surmontées d'une plaque de fibro-ciment, le tout colmaté par des feuilles de cocotier sèches ou de lattes de bois-ti-baume."