samedi 3 juillet 2021

Gadda (philosophe)

 

Gadda, Eros et Priape traduction Clerico p. 213 

"Pas question que le narcissiste puisse être philosaphe, ou se constituer disciple de philosaphes à l'école d'Athènes. La première faculté du philosaphe c'est l'aptitude à surmonter (lat. transcendere), à oublier la situation et les limites (biophysiques, historiques) de son avantage personnel. Bâtir des systèmes philosophiques sur sa propre complexion glandulaire, c'est-à-dire faire de sa thyroïde ou de ses surrénales le mécanisme impulseur du monde, constituer son nombril en axe, en pivots du monde, ce n'est pas une opération philosophique. Allez, va : un tempérament spéculatif, je te l'accorde, une tendance dirais-je innée et germinale à voir couci plutôt que couça, à sentir, à comprendre, à « imaginer » le monde d'après une nécessité ou une discipline à toi : je te concède un « style », un magistère philosophique libre et à toi : mais je ne te permets pas de me faire, avec ton « tu », en guise de causette philosophique à tes disciples, un rideau de fumée pour cacher ta bosse et tes larcins : eh oui, euh, euh, euh."


La prima facultà del filosafo è l'attitudine a valicare (lat' transcendere), a dimenticare la posizione e i limiti (biofisici, storici) del proprio personale vantaggio. Il costruire sistemi filosofici sulla propria indole ghiandolare, cioè aventi la propria tiroide o le surrenali a meccanismo impulsore del mondo, il suo costituire il proprio bellìco a perno del mondo, a pivot, non è operazione filosofica. Vien via: un'indole speculativa te la concedo, una tendenza direi innata e germinale a veder così piuttosto che cosà, a sentire, a capire, a "immaginare" il mondo giusta una necessità o una disciplina tua propia : ti concedo uno "stile", un magistero filosofico libero e tuo : ma non che tu mi facci, del "tu", filosofico verbiloquio ai discepoli, una cortina fumogena da nasconder la tu' gobba e i furtarelli tua: eh, bè, bè, bè...


vendredi 2 juillet 2021

Anouilh (deux)

 

Anouilh, Eurydice p. 409 : 

"À la fin c'est intolérable d'être deux ! Deux peaux, deux enveloppes, bien imperméables autour de nous, chacun pour soi avec son oxygène, avec son propre sang quoi qu'on fasse, bien enfermé, bien seul dans son sac de peau. On se serre l'un contre l'autre, on se frotte pour sortir un peu de cette effroyable solitude. Un petit plaisir, une petite illusion, mais on se retrouve bien vite tout seul, avec son foie, sa rate, ses tripes, ses seuls amis. [...] Alors on parle. On a trouvé cela aussi. Ce bruit de l'air dans la gorge et contre les dents. Ce morse sommaire. Deux prisonniers qui tapent contre le mur du fond de leur cellule. Deux prisonniers qui ne se verront jamais. Ah ! on est seul ! [...] J'entrerai un moment dans toi. Je croirai pendant une minute que nous sommes deux tiges enlacées sur la même racine. Et puis nous nous séparerons et nous redeviendrons deux. Deux mystères, deux mensonges. Deux."


jeudi 1 juillet 2021

Fante (Dan) (alcool)

 

Fante (Dan), La Tête hors de l'eau, chap. 10, trad. J.-P. Aoustin, 2001, 10x18 p. 87-88 :

"Vous dormez.

Parfois, affolé, vous vous réveillez en sursaut au milieu de la nuit, sans savoir où vous êtes. Quand vous reprenez vos esprits, vous attrapez la bouteille qui est sur le plancher près du lit et vous buvez au goulot cinq ou six gorgées. Vous fumez une cigarette. Si vous avez bu assez de whisky, vous pouvez vous rendormir. Parfois.

Au matin vous émergez de votre torpeur et commencez à vomir. Mais il faut boire encore aussitôt pour arrêter la tremblote. Alors vous rebuvez et redégueulez, parce que l’alcool ne veut pas rester dans votre estomac.

Vous essayez de manger quelque chose pour vous calmer. N’importe quoi. Du pain rassis. Des corn-flakes à même le paquet. Du beurre de cacahouète à la cuiller. N’importe quoi.

Finalement la nourriture reste dans votre estomac, et ça va mieux et vous pouvez remettre ça. Le mieux, bien sûr, c’est de la vodka avec du jus d’orange ou du soda. Le tout bien froid. C’est toujours mieux quand c’est froid. Si vous n’avez pas de vodka, une bière. Mais il faut que ce soit froid. Si ça ne l’est pas, vous vomissez encore. Voilà comment ça se passe – si vous avez de l’argent. Si vous avez de l’argent, vous n’avez pas un souci au monde.

Quelquefois mes cuites duraient dix jours. Deux semaines. Leur durée dépend de la quantité d’alcool que mon corps peut absorber. Quand vos chevilles et vos pieds restent engourdis toute la journée, il est temps de réduire la dose."


You sleep.

Sometimes, in a panic, you wake up in the middle of the night, not knowing where you are. Bolt upright. After you realize you’re okay, you suck back a half-dozen pulls from the bottle on the floor by the bed. You smoke a cigarette. Two. If you’ve had enough whiskey, you can fall back to sleep. Sometimes.

In the morning you come to and start puking. But you must drink again right away to hold off the heebie-jeebies. So you drink and you puke some more, because the booze won’t stay down.

You try eating food to settle yourself. Anything. Stale bread. Dry cereal. Peanut butter by the spoon. Anything.

Eventually the food stays in your stomach, and you’re okay and you can start again. The best thing, of course, is vodka in orange juice. Or ginger ale. Cold. Cold is always best. If you haven’t got vodka, a beer. But it has to be cold. If it’s not cold, you’ll puke again. And that’s how it goes—if you have money. If you’ve got money, you’ve got no worries—not a care in the world.

Sometimes my runs lasted ten days. Two weeks. How long they go on depends on how much my body can take. When your ankles and feet stay numb all day, it’s time to ease off."


mercredi 30 juin 2021

Roth (enfance)


Roth (Philip), Pastorale américaine, Partie 1 (Le paradis de la mémoire), chap. 2, trad. Josée Kamoun :

"Peut-être que, par définition, le milieu est l’endroit auquel l’enfant accorde spontanément une attention sans partage ; de sorte que le sens de la vie lui parvient sans filtre, écume qui dérive de la surface des choses. Néanmoins, cinquante ans plus tard, je vous le demande, vous êtes-vous jamais immergés aussi complètement que dans ces rues, où chaque groupe d’immeubles, chaque cour, chaque maison, et dans chaque maison le sol, chez chaque ami les murs, les plafonds, les portes et les fenêtres, arrivaient à être si bien différenciés ? Sommes-nous jamais redevenus ces instruments de mesure hypersensibles à la microscopique surface des choses qui nous entouraient, aux degrés infinitésimaux de l’échelle sociale indiqués par le linoléum et la toile cirée, les chandelles de yortsayt* et les odeurs de cuisine, les briquets de table Ronson et les stores vénitiens ? Nous savions tout les uns des autres ; qui avait quoi comme casse-croûte, au vestiaire ; qui commandait quoi sur son hot dog chez Syd ; nous connaissions nos particularités physiques, qui marchait sur des œufs, qui avait des seins comme une fille, qui sentait la brillantine, qui postillonnait en parlant ; nous savions qui était agressif, qui gentil, qui futé, qui bêta ; nous savions quelle mère avait l’accent et quel père la moustache ; quelle mère travaillait, quel père était mort ; il nous arrivait même de percevoir obscurément comment les circonstances particulières de l’histoire de chaque famille posaient un problème humain spécifique".


* https://en.wiktionary.org/wiki/yahrzeit#English



Perhaps by definition a neighborhood is the place to which a child spontaneously gives undivided attention; that's the unfiltered way meaning comes to children, just flowing off the surface of things. Nonetheless, fifty years later, I ask you: has the immersion ever again been so complete as it was in those streets, where every block, every backyard, every house, every floor of every house— the walls, ceilings, doors, and windows of every last friend's family apartment — came to be so absolutely  individualized ? Were we ever again to be such keen recording instruments of the microscopic surface of things close at hand, of the minutest gradations of social position conveyed by linoleum and oilcloth, by yahrzeit candles and cooking smells, by Ronson table lighters and Venetian blinds ? About one another, we knew who had what kind of lunch in the bag in his locker and who ordered what on his hot dog at Syd's ; we knew on another's every physical attribute — who walked pigeon-toed and who had breasts, who smelled of hair oil and who oversalivated when he spoke; we knew who among us was belligerent and who was friendly, who was smart and who was dumb; we knew whose mother had the accent and whose father had the mustache, whose mother worked and whose father was dead; somehow we even dimly grasped how every family's different set of circumstances set each family a distinctive difficult human problem.



 

mardi 29 juin 2021

Gary (solitude)

 

Gary, Les Cerfs-volants chap. XVI : 

"J’étais jaloux de ses solitudes, des sentiers qu’elle parcourait sans moi, des livres qu’elle emportait avec elle et qu’elle lisait comme si je n’existais pas. Je savais à présent me moquer de mes excès d’exigence et de mes terreurs tyranniques ; je commençais à comprendre qu’il faut savoir laisser, même à sa raison de vivre, le droit de vous quitter de temps en temps, et même celui de vous tromper un peu avec la solitude, avec l’horizon et avec ces hautes plantes dont je ne connaissais pas le nom et qui perdaient leurs têtes blanches au moindre coup de vent. Lorsqu’elle me quittait ainsi pour 'se chercher' – il lui arrivait de passer en une seule journée de l’Ecole du Louvre à Paris aux études de biologie en Angleterre –, je me sentais chassé de sa vie pour cause d’insignifiance. Je commençais cependant à m’éveiller à l’idée qu’il ne suffisait pas d’aimer mais qu’il fallait aussi apprendre à aimer [...]."


lundi 28 juin 2021

Bourignon (Adam)

 

 Bourignon (Mademoiselle Antoinette),

[texte cité par Pierre Bayle, article « Adam », note G, Dictionnaire historique et critique, 5e éd., Amsterdam, Brunet, 1740, t. I, p. 73.

"[Adam] estoit de stature plus grande que les hommes d’à présent ; les cheveux courts, annelez, tirans sur le noir, la levre de dessus couverte d’un petit poil ; & au lieu des parties bestiales que l’on ne nomme pas, il estoit fait comme seront rétablis nos corps dans la vie éternelle, & que je ne sais si je dois dire. Il avoit dans cette région la structure d’un nés, de mesme forme que celui du visage ; et c’était là une source d’odeurs & de parfums admirables : de là devoient aussi sortir les hommes, dont il avoit tous les principes dans soi : car il y avoit dans son ventre un vaisseau où naissoient de petits œufs, et un autre vaisseau plein de liqueur qui rendoit ces œufs féconds. Et lors que l’homme s’échauffoit dans l’amour de son Dieu, le désir où il estoit qu’il y eust d’autres créatures que lui pour loüer, pour aimer & pour adorer cette grande Majesté, faisoit répandre par le feu de l’amour de Dieu cette liqueur sur un, ou sur plusieurs de ces œufs avec des délices inconcevables ; & cet œuf rendu fécond sortoit quelque tems après par le canal hors de l’homme en forme d’œuf, & venoit peu après à éclore un homme parfait. C’est ainsi que dans la vie éternelle il y aura une génération sainte & sans fin, bien autre que celle que le péché a introduite par le moyen de la femme, laquelle Dieu forma de l’homme en tirant hors des flancs d’Adam ce viscere qui contenoit les œufs, que la femme possède, & desquels les hommes naissent encore à présent dans elle, conformément aux nouvelles découvertes de l’Anatomie. Le premier homme, qu’Adam produisit par lui seul en son estat glorieux, fut choisi de Dieu pour être le Trône de la Divinité."


plus de précisions sur l'auteure à l'adresse : 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoinette_Bourignon


dimanche 27 juin 2021


 Thompson (Jim), Pottsville, 1280 Habitants chap. 24 (trad. Gratias) :
     "Au commencement du monde, tous les chiens de la planète ont tenu une espèce de congrès, afin d’établir une sorte de code de bonne conduite [...] la meilleure chose à faire, c’est d’entasser nos trous de balle à l’extérieur,[...] tous les chiens s’empressent de voter la motion, si bien que le président déclare celle-ci adoptée par acclamation, puis une brève suspension de séance permet à tous les chiens de déposer leurs trous de balle à l’extérieur, après quoi ils reprennent leurs délibérations. Mais pendant que celles-ci suivent leur cours, voilà que tout à coup éclate une violente tempête surgie de nulle part, et elle disperse les trous de balle dans toutes les directions, les mélangeant de façon irrémédiable, si bien qu’aucun des chiens n’a jamais pu retrouver le sien. Et c’est pourquoi, depuis ce jour, ils n’ont jamais cessé de se renifler mutuellement l’arrière-train, et ils continueront sans doute à le faire jusqu’à la fin des temps. Parce qu’un chien qui a perdu son cul, il ne peut pas être heureux, tout simplement même si un cul de chien ressemble beaucoup à n’importe quel autre cul de chien, et même si celui qu’il a est en parfait état de marche. »

... comparer avec le mythe des Androgynes (Platon, Le Banquet 189d-191d)


« all the dogs in the world held a convention back in the beginning of time, their purpose being to set up a code of conduct, like maybe it shouldn’t be fair to bite each other in the balls and so on. And there was this one dog that had a copy of Robert’s Rules of Order that he’d got somewhere, prob’ly at the same place Cain got his wife. So he automatically became chairman, and the first thing he done was to declare the entire convention a committee of the hole. “Fellas,” he says, “canines of the convention. I don’t want to tread on no honorable dogs’ paws, so I’ll just put it this way. When we go back in them smoke-filled rooms to caucus, I’m sure we don’t want to smell nothing but smoke, and the best thing to do it seems to me is to pile our assholes outside, and if someone will make a motion to that effect, I’ll certainly be glad to put a second on it.” Well, sir, it seemed like such a danged good idea that every dog in the convention jumped up to make the motion, so the chairman declared it passed by acclamation, and there was a brief recess while all the dogs went outside to stack up their assholes. Then, they went back inside t’carry out their business. And god-danged if a heck of a storm didn’t blow up out of nowhere, and it scattered them assholes every which way, mixin’ ’em up so bad that not a one of them dogs was ever able to find his own. So that’s why they still go around sniffing butts, and they’ll probably keep on until the end of time. Because a dog that’s lost his ass just can’t be happy, even if one of ’em is pretty much like another, and the one he has is in good working order.