Jean-Paul Richter, Werke I, 3, 263 cité (et traduit ?) par A. Montandon in L'Imaginaire du livre chez Jean-Paul :
"II avait anticipé non seulement les vérités, mais aussi les sentiments. Tous les magnifiques états de l'humanité, tous les mouvements dans lesquels l'amour, l'amitié et la nature élèvent le cœur, tout cela il l'avait parcouru dans les poésies avant de le faire dans la vie, d'abord comme acteur et écrivain de théâtre, avant de le faire comme homme, d'abord dans la journée ensoleillée de l'imagination avant de le faire dans la journée maussade de la réalité ; c'est pour cela que lorsqu'ils apparurent vivants dans sa poitrine, il a pu en toute lucidité les saisir, les gouverner, les tuer et les empailler pour la glacière des souvenirs futurs."
Richter s'est donné le prénom de "Jean-Paul" en hommage à Jean-Jacques Rousseau ; cf. :
Rousseau, Confessions livre 1 :
"Je ne sais comment j'appris à lire; je ne me souviens que de mes premières lectures et de leur effet sur moi: c'est le temps d'où je date sans interruption la conscience de moi-même. Ma mère avait laissé des romans; nous nous mîmes à les lire après souper, mon père et moi. Il n'était question d'abord que de m'exercer à la lecture par des livres amusants; mais bientôt l'intérêt devint si vif que nous lisions tour à tour sans relâche, et passions les nuits à cette occupation. Nous ne pouvions jamais quitter qu'à la fin du volume. Quelquefois mon père, entendant le matin les hirondelles, disait tout honteux: allons nous coucher; je suis plus enfant que toi.
En peu de temps j'acquis, par cette dangereuse méthode, non seulement une extrême facilité à lire et à m'entendre, mais une intelligence unique à mon âge sur les passions. Je n'avais aucune idée des choses, que tous les sentiments m'étaient déjà connus. Je n'avais rien conçu, j'avais tout senti. Ces émotions confuses, que j'éprouvai coup sur coup, n'altéraient point la raison que je n'avais pas encore; mais elles m'en formèrent une d'une autre trempe, et me donnèrent de la vie humaine des notions bizarres et romanesques, dont l'expérience et la réflexion n'ont jamais bien pu me guérir."