Ilf & Petrov, Le Veau d’or I, II trad. Préchac p. 34-35 :
"Dans la rue principale, des essieux d'attelage écartelés transportaient un long rail bleu. Cela faisait un tel bruit, un tel chant dans la grand-rue, qu'on eût dit que le voiturier vêtu d'un suroît de pêcheur ne transportait pas un rail, mais une note de musique unique et assourdissante.
Le soleil s'introduisait dans le magasin de fournitures scolaires. On pouvait y voir des globes terrestres, des crânes, un carton représentant le foie joyeusement colorié d'un alcoolique. Surmontant le tout, deux squelettes s'étreignaient affectueusement.[…] Venaient ensuite, à la file, trois magasins d'instruments à vent, de mandolines et de balalaïkas. Trônant sur des gradins garnis de calicot rouge, les cuivres jetaient sur tout l'étalage des lueurs perverses. Le plus beau de tous était l'hélicon-basse. Il était si puissant, se chauffait au soleil avec tant de langueur, lové en forme d'anneau, que sa place aurait dû être au jardin zoologique de la capitale, quelque part entre l'éléphant et le boa. Les parents, les jours de fête, l'auraient montré aux enfants en leur disant : «Et voici, mon petit, le pavillon de l'hélicon. Maintenant il dort. Mais dès qu'il se réveillera, il se mettra à trompeter.» Et les enfants auraient regardé l'étonnant instrument avec de grands yeux émerveillés."