jeudi 19 septembre 2019

Bourdet (argent)

Bourdet, Les Temps difficiles :

« Si vous étiez une Laroche, une vraie, vous tiendriez de vos ancêtres le respect qu’ils ont eu pour l’argent ! Oui, pour l’argent !... Ils ne le jetaient pas par la fenêtre, eux, ils ne le gaspillaient pas, comme vous, en gestes inutiles. Ils savaient que c’était dur à amasser et que ça valait la peine d’être conservé, quand ce ne serait que par égard pour leurs prédécesseurs qui s’étaient échinés à le faire entrer dans la caisse ! Ils ne s’amusaient pas, ces gens-là, ils ne passaient pas leur temps à chercher comment ils pourraient bien se distraire. Ils travaillaient ! Il faut choisir dans la vie entre gagner de l’argent et le dépenser on n’a pas le temps de faire les deux. Eux, ils choisissaient de le gagner. Et ils prenaient des femmes de leur espèce, des femmes qui leur ressemblaient, des femmes laides et ennuyeuses, peut-être, mais sages, économes et capables de tenir une maison. Pas des amoureuses, bien sûr, ni des mondaines assoiffées de réceptions ; des épouses, des mères, des associées !... Leurs enfants n’étaient pas toujours très beaux et leur intérieur manquait de charme. Qu’est-ce que ça fait la maison, on y va manger et dormir. Pour se distraire, il y a le bureau !... Voilà ce que c’étaient que les Laroche ! Ils étaient riches. Ils le méritaient... comme vous méritez d’être pauvre, vous qui leur ressemblez si peu !...»

Huysmans (inattendu)

Huysmans, L’Oblat :
« Vous apprêtez des tartines de l'épaisseur d'un doigt, vous les rôtissez sans les noircir et les arrosez modérément de vieux vin rouge et de quelques cuillerées de consommé ; puis vous enduisez d'une couche de graisserons ces tartines, vous les recouvrez avec un mélange très léger de moutarde et de beurre ; vous y ajoutez du poivre et de la muscade, selon votre goût et vous replacez ces tartines sur le gril, le temps de les réchauffer en dessous seulement.
Vous les servez enfin sur une assiette chaude, après les avoir baignées d'un généreux cognac que vous allumez ; vos tartines flambent, telles qu'un pouding ou qu'une omelette soufflée, et c'est divin, conclut Madame de Garambois, qui se renversa dans le fauteuil, les yeux au ciel. »

… inattendu sous la plume de l’esthète, puis mystique ; mais on peut le subodorer grâce au « généreux cognac », antéposition hypallagique…