Constant, De l’esprit de conquête et de l’usurpation dans leur rapports avec la civilisation européenne chapitre XIII [orthographe d'époque] :
"Aujourd’hui, l’admiration pour l’uniformité, admiration réelle dans quelques esprits bornés, affectée par beaucoup d’esprits serviles, est reçue comme un dogme religieux, par une foule d’échos assidus de toute opinion favorisée.
Appliqué à toutes les parties d’un empire, ce principe doit l’être à tous les pays que cet empire peut conquérir. Il est donc actuellement la suite immédiate et inséparable de l’esprit de conquête.
Mais chaque génération, dit l’un des étrangers [Rehberg] qui a le mieux prévu nos erreurs dès l’origine, chaque génération hérite de ses aïeux un trésor de richesses morales, trésor invisible et précieux qu’elle lègue à ses descendans. La perte de ce trésor est pour un peuple un mal incalculable. En l’en dépouillant, vous lui ôtez tout sentiment de sa valeur et de sa dignité propre. Lors même que ce que vous y substituez vaudroit mieux, comme ce dont vous le privez lui étoit respectable, et que vous lui imposez votre amélioration par la force, le résultat de votre opération est simplement de lui faire commettre un acte de lâcheté qui l’avilit et le démoralise. […] La variété, c’est de l’organisation ; l’uniformité, c’est du mécanisme. La variété, c’est la vie ; l’uniformité, c’est la mort."