O'Neddy, Une fièvre de l'époque [1837] (Poésies posthumes, éd. 1877) :
"Il est depuis longtemps avéré que nous sommes,
Dans le siècle, environ six mille jeunes hommes
Qui du démon de l'Art nous croyant tourmentés
Dépensons notre vie en excentricités ;
Qui, du fatal Byron copiant les allures,
De solennels manteaux drapons nos encolures.
Esprits du second rang, poètes incomplets,
Moins artistes, hélas ! qu'artistiques reflets,
Qu'aux portes de la Gloire une commune audace
Inconsidérément tous à la fois entasse.
Or chacun d'entre nous, dans sa prose et ses vers,
A quotidiennement le malheureux travers
De mettre à nu son moi, de décrire les phases
De son cœur, d'en trahir les occultes emphases.
À l'excès pour ma part, j'ai ce tempérament :
Je prends mon moi pour thème avec emportement.
Voici l'un de ces chants : mon moi, ma fantaisie,
Ont un fidèle écho dans cette poésie.
Artistes incomplets, mes frères, puissiez-vous
Y sentir palpiter le mal qui nous tient tous !"