samedi 5 octobre 2024

O'Neddy (romantiques)

O'Neddy, Une fièvre de l'époque [1837] (Poésies posthumes, éd. 1877) :


"Il est depuis longtemps avéré que nous sommes, 

Dans le siècle, environ six mille jeunes hommes 

Qui du démon de l'Art nous croyant tourmentés 

Dépensons notre vie en excentricités ; 

Qui, du fatal Byron copiant les allures, 

De solennels manteaux drapons nos encolures. 

Esprits du second rang, poètes incomplets, 

Moins artistes, hélas ! qu'artistiques reflets, 

Qu'aux portes de la Gloire une commune audace 

Inconsidérément tous à la fois entasse. 

Or chacun d'entre nous, dans sa prose et ses vers, 

A quotidiennement le malheureux travers 

De mettre à nu son moi, de décrire les phases 

De son cœur, d'en trahir les occultes emphases. 

À l'excès pour ma part, j'ai ce tempérament : 

Je prends mon moi pour thème avec emportement. 

Voici l'un de ces chants : mon moi, ma fantaisie, 

Ont un fidèle écho dans cette poésie. 

Artistes incomplets, mes frères, puissiez-vous 

Y sentir palpiter le mal qui nous tient tous !"