Rilke, Poèmes français, Fenêtres 1924-1925 (extrait) :
N’es-tu pas notre géométrie,
fenêtre, très simple forme
qui sans effort circonscris
notre vie énorme ?
Celle qu’on aime n’est jamais plus belle
que lorsqu’on la voit apparaître
encadrée de toi ; c’est, ô fenêtre,
que tu la rends presque éternelle.
Tous les hasards sont abolis. L’être
se tient au milieu de l’amour,
avec ce peu d’espace autour
dont on est maître.
Fenêtre, toi, ô mesure d’attente,
tant de fois remplie,
quand une vie se verse et s’impatiente
vers une autre vie.
Toi qui sépares et qui attires,
changeante comme la mer, –
glace, soudain, où notre figure se mire
mêlée à ce qu’on voit à travers ;
échantillon d’une liberté compromise
par la présence du sort ;
prise par laquelle parmi nous s’égalise
le grand trop du dehors.