Hrabal, Bambini di Praga § 3, in Les Palabreurs traduction M. Canavaggio :
"Le propriétaire du manège sonne, met la manette sur la vitesse maximale, les sièges et les chaînes s’envolent encore plus loin du pré piétiné et les visages des passagers défilent en cercle à la frontière des lumières des ampoules et de l’ombre bleue de la nuit, comme un grand roulement à billes.
La jeune fille aux nénuphars frémit : que se passerait-il si son siège se détachait, où finirait son vol plané ? Peut-être au milieu de la rivière, dans laquelle elle briserait en mille morceaux le reflet de la lune, mais peut-être aussi au milieu de la prame qui vogue silencieusement, ornée de lampions multicolores, et qui abrite la musique de l’amicale des tambourineurs, certainement qu’elle traverserait la prame et que les lampions s’éteindraient en silence…, et que se passerait-il si le siège se décrochait avec elle au-dessus de la rivière et que la puissance accumulée la projetait sur la rive, dans la bâche du kiosque à confiserie ? Ou alors si elle atterrissait dans le stand de tir, en plein dans les cibles de fer et qu’elle déclenchait tous les ressorts cachés, comme quand on a visé dans le mille ? Ou encore que se passerait-il si elle atterrissait, avec les chaînes du manège, et qu’elle défonçait le kiosque où un homme en blouse blanche enroule de la barbe à papa rose autour d’un bâton ? Ou alors si elle atterrissait encore plus loin, tout droit dans les baquets où l’on met au frais les bouteilles de bière et de soda ?
Mais le propriétaire du manège sonne le glas de toutes ces possibilités, il réduit la vitesse et les chaînes se rabattent doucement, comme quand on referme doucement un parapluie… Puis quelques semelles heurtent le plancher et le manège s’arrête."