Montherlant, La Mort de Peregrinos in Essais, Pléiade p. 259-260 :
"Voilà bien le grand grief : il n'est pas sympathique. On ne demande pas à un homme d'avoir de la valeur, ou seulement d'être un caractère ; on lui demande d'être sympathique. L'époque le demande : être sympathique, cela veut dire être coulant, se prêter aux combines. Et l'opinion le demande, qui en Europe est faite par les femmes, et les femmes demandent seulement qu'on leur plaise. Dans ces conditions, tout ce qui est au-dessus du commun, ou hors du commun, sera mal noté, car le médiocre est ce qui plaît, parce que nos juges s'y retrouvent chez eux ; et c'est pourquoi, le plus souvent, les génies sont admirés pour ce qu'ils ont de moins original, où la masse peut se reconnaître, et malgré ce qu'ils ont d'original. La politique du jeune homme qui veut se marier, de l'adulte qui veut être député, du vieillard qui veut être pape, est toujours la même : elle est de rentrer les épaules, de se faire passer pour insignifiant. Tout homme de valeur est un outrage pour la société : elle l'écrasera s'il ne demande pas son pardon d'être tel, et il ne l'obtiendra qu'en faisant le gracieux. “En France, tout ce qui est un peu fort fait scandale“, écrit Stendhal. Et Gœthe : “La bonne société, qui ne souffre guère auprès d'elle quelque chose d'éminent... “ Et Tolstoï : “La béquille de Sixte-Quint* doit être le bâton de voyage de tout homme supérieur.“ Unanimité là-dessus."
* sur le site
https://michel1948pierre27.blogspot.com/2009/10/sixte-quint-et-sa-bequille.html
on lit :
On parle de "béquille de Sixte Quint" lorsque l'on veut désigner une fausse maladie. Cette expression renvoie à l'épisode de la candidature au trône de Pierre, de Felice Peretti, qui marchait appuyé sur une béquille, et qui montrait des signes de décrépitude physique. Pourtant, à peine élu pape, le 1er mai 1585, Sixte Quint jeta sa béquille et chanta le Te Deum...