mercredi 18 septembre 2024

Crews (tatoué)

Crews, Forains, in Péquenots : 

"Il avait des cils et une paupière tatoués autour du trou du cul. On aurait dit une espèce d’œil injecté de sang et il arrivait à lui faire faire un clin d’œil. Pour deux dollars en plus du prix d’entrée normal au dix-en-un [= galerie de bizarres], vous pouviez passer derrière un petit rideau et il vous faisait une démonstration. Les forains vouent un éternel mépris aux gogos et à ce que ceux-ci considèrent comme étant la vraie vie, et rien n’exprime de manière plus parlante ce mépris que la réaction de l’Homme Tatoué quand je lui ai demandé pourquoi il s’était fait tatouer un œil à cet endroit précis.

— Faire payer deux dollars à ces enfoirés pour qu’ils regardent à l’intérieur de mon trou du cul me ravit plus que tout."


  He had eyelashes and an eyelid tattooed around his asshole. It looked just like a kind of bloodshot eye and he could make it wink. For $2 over and above the regular price of admission to the ten-in-one show, you could go behind a little curtain and he’d do it for you. Carnies have nothing but a deep, abiding contempt for marks and what they think of as the straight world, and nowhere is that contempt more vividly expressed than in the Tattooed Man’s response when I asked him why he had the eye put in there.
  “Making them bastards pay two dollars to look up my asshole gives me more real pleasure than anything else I’ve ever done".

lundi 16 septembre 2024

Céard (la maîtresse du général)

Céard, La saignée, in Les Soirées de Médan : 

"Elle l’accusa comme d’un crime personnel de la mort d’un jeune capitaine d’état-major, tué lors de la dernière affaire. Elle le connaissait, ils s’étaient rencontrés, très souvent, dans le monde.

— Un de tes amants, sans doute ?

Jusque-là il n’avait rien dit, baissant la tête, rageant au-dedans de lui devant ces récriminations brutales, dont, intimement, il sentait la justesse.

— Quand ce serait, répondit-elle, effrontément.

— Au fait, ça ne l’étonnait pas ! avec qui n’avait-elle pas couché ? Son lit était une vraie guérite dont on relevait les sentinelles toutes les heures. Alors éclatant en mots furieux, donnant libre cours à l’amertume de son cœur, un a un, il lui nommait ses amants. Il y en avait de toutes les armes : des cavaliers, des fantassins, des artilleurs, et jusqu’à des soldats de la mobile. Il citait les corps, les grades, d’une voix dépitée, avec emportement, car il mettait de la hiérarchie dans l’amour, et se croyait compromis non pas tant par ses infidélités que parce qu’elle les avait commises avec des inférieurs."


dimanche 15 septembre 2024

Anouilh (révolution)

Anouilh, L'Alouette (1953)

[selon Chat GPT, il s'agit d'un passage ou d'un prologue, que l'on ne trouve pas dans toutes les éditions ] : 

"Rousseau avait trouvé la recette ; les cuisiniers Saint-Just et Robespierre l'améliorèrent et la mirent au point. Ces deux noms réunis ont sans doute été les plus néfastes de la langue française – si l'on fait exception du mot Liberté, le plus galvaudé de notre langue, qui aura surtout servi, en fin de compte, sous tous les régimes qui s'en sont réclamés, à mettre un nombre incalculable de gens en prison. 

Personne ne sait la proclamation de Carrier dans Nantes qu'il fallait mater : « Nous en ferons un cimetière, plutôt que de ne pas la régénérer à notre manière. » C'était pourtant bien dit. La besogne a malheureusement dépassé ses forces, mais, enfin, il a fait ce qu'il a pu pendant son court proconsulat, 4 800 noyades en dix jours. Son collègue Collot d'Herbois, de la Comédie-Française à Lyon, préférait les mitraillades au canon en groupe, avec achèvement au sabre, de centaines de gens garrottés deux à deux, dans la plaine de Bordeaux. 

Tout cela était ce que le bon Rousseau – et Hitler aussi – appelait la Volonté générale « qui n'est pas forcément, ajoutait le Genevois ingénument, la volonté du plus grand nombre ». Les chefs seuls, précisait-il, « peuvent l'interpréter et la connaître »…"