Tomasi Di Lampedusa, Le Guépard [1958], fin de la 7° partie
traduction Manganaro [2007] :
"Tous, sauf Concetta, pleuraient ; même Tancredi qui disait : « Mon oncle, mon oncle chéri ! »
Soudain, une jeune dame fendit le petit groupe : svelte, un costume de voyage marron à vaste tournure, un petit chapeau de paille orné d’une voilette à pois qui ne parvenait pas à cacher le charme ensorceleur du visage. Elle insinuait une petite main gantée de daim entre les coudes de ceux qui pleuraient, elle s’excusait, s’approchait. C’était elle, la créature désirée depuis toujours qui venait le chercher : c’était étrange qu’elle, si jeune, lui eût cédé ; l’heure du départ du train devait approcher. Arrivée face à lui, elle souleva sa voilette et ainsi, pudique mais prête à être possédée, elle lui apparut plus belle qu’il ne l’avait jamais vue dans les espaces stellaires.
Le fracas de la mer se calma tout à fait."
traduction F. Pézard [1959] :
Tous, sauf Concerta, pleuraient, Tancrède aussi, qui répétait : « Tonton, mon cher tonton ! »
Soudain, une jeune dame fendit le petit groupe : svelte, elle portait un costume de voyage marron, avec une ample tournure, et un chapeau de paille orné d'une voilette à pois qui ne réussissait pas à cacher la grâce malicieuse de son visage. Elle insinuait une main gantée de daim entre les coudes de ces gens qui pleuraient ; elle s'excusait, s'approchait. C'était la créature désirée depuis toujours qui venait le prendre. Comme c'était étrange qu'elle se donnât à lui, jeune comme elle était. Le départ du train devait être tout proche. Arrivée en face de lui, elle souleva sa voilette, et ainsi, pudique mais offerte, elle apparut plus belle encore qu'au temps où il l'entrevoyait dans les espaces stellaires.
Le fracas de la mer se calma d'un seul coup.
Tutti, tranne Concetta, piangevano ; anche Tancredi che diceva: “Zio, zione caro !”
Fra il gruppetto ad un tratto si fece largo una giovane signora : snella, con un vestito marrone da viaggio ad ampia tournure, con un cappellino di paglia ornato da un velo a pallottoline che non riusciva a nascondere la maliosa avvenenza del volto. Insinuava una manina inguantata di camoscio fra un gomito e l’altro dei piangenti, si scusava, si avvicinava. Era lei, la creatura bramata da sempre che veniva a prenderlo : strano che così giovane com’era si fosse arresa a lui; l’ora della partenza del treno doveva esser vicina. Giunta faccia a faccia con lui sollevò il velo e così, pudica ma pronta ad esser posseduta, gli apparve più bella di come mai l’avesse intravista negli spazi stellari.
Il fragore del mare si placò del tutto.