Michelet, Le Peuple :
"Si l'on voulait entasser ce que chaque nation a dépensé de sang, et d'or, et d'efforts de toute sorte, pour les choses désintéressées qui ne devaient profiter qu'au monde, la pyramide de la France irait montant jusqu'au ciel... et la vôtre, ô nations, toutes tant que vous êtes ici, ah ! la vôtre, l'entassement de vos sacrifices, irait au genou d'un enfant.
Cette tradition, c'est celle qui de César à Charlemagne, à Saint Louis, de Louis XIV à Napoléon, fait de l'histoire de France celle de l'humanité.
Le jour où, se souvenant qu'elle fut et doit être le salut du genre humain, la France s'entourera de ses enfants et leur enseignera la France, comme foi et comme religion, elle se retrouvera vivante, et solide comme le globe. [...] C'est le seul [pays] qui ait droit de s'enseigner ainsi lui-même, parce qu'il est celui qui a le plus confondu son intérêt et sa destinée avec ceux de l'humanité. C'est le seul qui puisse le faire, parce que sa grande légende nationale, et pourtant humaine, est la seule complète et la mieux suivie de toutes, celle qui, par son enchaînement historique, répond le mieux aux exigences de la raison. [...] La légende nationale de France est une traînée de lumière immense, non interrompue, véritable voie lactée sur laquelle le monde eut toujours les yeux.
Qu'il [l'enfant] sache, tout d'abord, que Dieu lui a fait la grâce d'avoir cette patrie, qui promulgua, écrivit de son sang, la loi de l'équité divine, de la fraternité, que le dieu des nations a parlé par la France. La patrie d'abord comme dogme et principe. Puis, la patrie comme légende."