Céline, propos recueillis par Jacques Izoart, L'Essai, n° 2, novembre 1959, "Monologue de Louis-Ferdinand Céline"
[in Céline et l'actualité littéraire, 1957-1961, 25] :
"Vous comprenez... un petit truc : cette civilisation elle fout le camp... La France... Bien avant Fontenoy... Après... liquidateurs... faillites... J'voudrais qu'on me foute la paix... Jalousie... Y sont trop pourris... J'peux rien faire... J'peux rien faire... Moi, j'bois de l'eau : je vis de rien... Et puis, y a les contributions, nom de Dieu !!!... Si j'étais riche, j'verrais personne... Ça m'emmerde d'être dérangé... Faut éponger mes dettes... J'ai été en prison parce que je me suis occupé des hommes... J'ai eu la triste veine d'être embarqué dans une triste histoire... J'en fais la chronique... Lassalle disait : « Tout homme qui n'a pas été en prison ne sait rien du tout »... Les hommes des roublards !... Que voulez-vous, j'ai eu une vie très chahutée... dangereuse... une vie trop aventureuse... Mais j'ai pas fait, comme on dit maintenant, des voyââââges... ah ! merde... on fout son cul dans un fauteuil, et puis plus rien !... rien du tout... mais j'ai eu des émotions déplaisantes, beaucoup ! beaucoup ! Oh la la ! tellement... Et puis alors, rien du tout... pas riche !... rien ! Jamais de vacances... J'viens de cesser de pratiquer... 300 000 francs par an ! de pension ! J’dis un gros « merde » au monde ! ! !"