Brunschvicg (Léon), De la Connaissance de soi p. 110 :
"Puisque le juste, tel que le décrit Platon, est celui qui veut la justice, non pour soi*, mais pour la justice en elle-même, il ne lui suffira pas qu'il ait restitué son droit à autrui tant qu'il n'aura pas su former dans autrui l'âme juste, celle qui ne dit jamais mon droit, mais le droit, qui est incapable de poser une règle où entre l'acception des personnes. Toute affirmation de justice se définit, comme l'affirmation du vrai, par une norme de réversibilité intégrale, de réciprocité absolue, où l'universalité devient une exigence et par suite un critère du droit. La liberté politique, comme l'étendue intelligible de Malebranche, est le lieu des esprits, un et indivisible. Autrement dit, suivant la doctrine fondamentale de Condorcet, « ou tout le monde est libre ou personne » : « Le droit de concourir à la formation des lois est un droit de l'homme dans l'état de société... Si ce droit n'est pas égal pour tous les citoyens, si un noble ou un prêtre y a plus de part qu'un propriétaire, que ceux que vous nommez roturiers, alors ce droit cesse absolument d'exister. » D'où résulte que la démocratie s'impose."
* "pour soi" me semble, en première lecture, prêter à l'équivoque ; "pour lui-même" serait plus net.