Nabokov, Perfection, Quarto p. 489 :
"Il se sentait seul et engoncé dans son habit noir. Il enlevait son chapeau et, immobile un instant, regardait autour de lui. Parfois, comme ses yeux se portaient sur un ramoneur [...] ou sur un aéroplane gagnant de vitesse un nuage, Ivanov se laissait aller à la rêverie ; il songeait aux nombreuses choses qu'il ne connaîtrait jamais que de loin, aux métiers qu'il ne pratiquerait pas. [....] Ses pensées voletaient, montaient et descendaient le long de cette vitre qui, tant qu'il vivrait, l'empêcherait d'avoir un contact direct avec le monde. Avec quelle passion ne désirait-il pas faire l'expérience de toutes choses, tout atteindre, toucher, laisser les voix diaprées, les appels d'oiseaux filtrer à travers son être, et visiter un instant l'âme d'un passant, comme on entre sous l'ombre fraîche d'un arbre. [...] Quand [...] il s'élevait dans l'ascenseur, il se sentait grandir lentement, s'étirer vers le haut et, après que sa tête fut parvenue au sixième étage, il ramenait ses jambes sous lui comme un nageur ; puis, ayant repris sa taille normale, il entrait dans la chambre […]."