Döblin, Berlin Alexanderplatz [1929] traduction O. Le Lay :
[c’est presque le début du roman ; le personnage, après plusieurs années de prison, est soumis à l’agitation de la grande ville]
« La punition commence.
Il se secoua, déglutit. Il se marcha sur le pied. Puis il prit son élan et se retrouva assis dans le tram. Au milieu des gens. Parti. Au début c’était comme quand on est chez le dentiste, il a saisi une racine avec la tenaille et il tire, la douleur augmente, la tête va exploser. Il tournait la tête en arrière vers la muraille rouge, mais le tram filait et l’emportait sur les rails, bientôt il n’y eut plus que sa tête dans la direction de la prison. La rame fit un coude, des arbres, des maisons s’interposèrent. Des rues vivantes émergèrent, la Seestrasse, des gens montaient et descendaient. En lui ça criait d’effroi : Attention, attention, c’est parti. La pointe de son nez gelait, ça bourdonnait le long de sa joue. « Midi Journal », « B.Z. », « Le Nouvel Illustré », « Radio Actuel », « Tickets s’il vous plaît ». Les schupos ont des uniformes bleus maintenant. Il redescendit de la rame sans qu’on prête attention à lui, il était parmi les gens. Et alors quoi ? Rien. Un peu de tenue, cochon efflanqué, ressaisis-toi, t’vas tâter d’mon poing. Cohue, qué cohue. Comme ça remuait. Probable que ma cervelle a pus de graisse, probable qu’al’ est toute desséchée. Et puis tout ça. Magasins de chaussures, chapelleries, lampes à incandescence, bars à gnôle. […] Des centaines de vitres nickel, laisse-les briller, va, c’est toujours pas elles qui vont te faire peur, t’peux les réduire en miettes, rien d’extraordinaire là-d’dans, sont bien astiquées et c’est tout. On éventrait le pavé sur la Rosenthaler Platz, il marcha entre les autres sur des caillebotis. On se mélange avec les autres, comme ça tout passe, tu remarques plus rien, garçon. Dans les vitrines des silhouettes en complet, manteau, avec des jupes, avec des bas et des souliers. Dehors tout remuait, mais - derrière - rien du tout ! Ça - vivait - pas ! Ça vous avait des visages joyeux, ça riait, attendait sur l’îlot-refuge en face d’Aschinger à deux ou à trois, fumait des cigarettes, feuilletait des journaux. C’était planté là comme les réverbères — et — ça se pétrifiait à mesure. Ils étaient solidaires des maisons, rien que du blanc, rien que du bois. »
« Die Strafe beginnt.
Er schüttelte sich, schluckte. Er trat sich auf den Fuß. Dann nahm er einen Anlauf und saß in der Elektrischen. Mitten unter den Leuten. Los. Das war zuerst, als wenn man beim Zahnarzt sitzt, der eine Wurzel mit der Zange gepackt hat und zieht, der Schmerz wächst, der Kopf will platzen. Er drehte den Kopf zurück nach der roten Mauer, aber die Elektrische sauste mit ihm auf den Schienen weg, dann stand nur noch sein Kopf in der Richtung des Gefängnisses. Der Wagen machte eine Biegung, Bäume, Häuser traten dazwischen. Lebhafte Straßen tauchten auf, die Seestraße, Leute stiegen ein und aus. In ihm schrie es entsetzt: Achtung, Achtung, es geht los. Seine Nasenspitze vereiste, über seine Backe schwirrte es. »Zwölf Uhr Mittagszeitung«, »B. Z.«, »Die neuste Illustrirte«, »Die Funkstunde neu«, »Noch jemand zugestiegen?« Die Schupos haben jetzt blaue Uniformen. Er stieg unbeachtet wieder aus dem Wagen, war unter Menschen. Was war denn? Nichts. Haltung, ausgehungertes Schwein, reiß dich zusammen, kriegst meine Faust zu riechen. Gewimmel, welch Gewimmel. Wie sich das bewegte. Mein Brägen hat wohl kein Schmalz mehr, der ist wohl ganz ausgetrocknet. Was war das alles. Schuhgeschäfte, Hutgeschäfte, Glühlampen, Destillen. Die Menschen müssen doch Schuhe haben, wenn sie so viel rumlaufen, wir hatten ja auch eine Schusterei, wollen das mal festhalten. Hundert blanke Scheiben, laß die doch blitzern, die werden dir doch nicht bange machen, kannst sie ja kaputt schlagen, was ist denn mit die, sind eben blankgeputzt. Man riß das Pflaster am Rosenthaler Platz auf, er ging zwischen den andern auf Holzbohlen. Man mischt sich unter die andern, da vergeht alles, dann merkst du nichts, Kerl. Figuren standen in den Schaufenstern in Anzügen, Mänteln, mit Röcken, mit Strümpfen und Schuhen. Draußen bewegte sich alles, aber – dahinter – war nichts! Es – lebte – nicht! Es hatte fröhliche Gesichter, es lachte, wartete auf der Schutzinsel gegenüber Aschinger zu zweit oder zu dritt, rauchte Zigaretten, blätterte in Zeitungen. So stand das da wie die Laternen – und – wurde immer starrer. Sie gehörten zusammen mit den Häusern, alles weiß, alles Holz. »