Valéry, Cours du Collège de France, 12 et 19 mars 1943 :
"J’ai ce triste avantage d’être un vieux monsieur, c’est-à-dire quelqu’un qui a vu autour de soi et en soi-même se former et se dissoudre un assez grand nombre de valeurs ; qui a vu des choses de l’apparence la plus solide s’écrouler ou se dissiper ; des germes imperceptibles se développer à l’extrême du développement ; des morts ressusciter, des Hercules tomber en faiblesse ; les notions les plus claires révéler des abîmes d’obscurité ; des systèmes ou des constructions abstraites les plus ardues devenir presque d’usage courant et nécessaire ; en un mot, tout le tableau de l’existence intelligible changer plusieurs fois autour de moi aussi profondément que le décor et le mécanisme de la vie matérielle.
[…] Je me cristallise, moi aussi à prononcer je ne sais quel anathème sur des choses qui ont raison contre moi, parce que je suis vieux, parce que je vous débarrasserai de ma présence bientôt, mais je laisserai des œuvres qui auront peut-être leur valeur reproduite à une époque ultérieure."
rappel :
https://lelectionnaire.blogspot.com/2021/10/celine-houellebecq-changements.html
Céline, Mort à crédit Pléiade t. 1 p. 527 :
"Destinée ou pas, on en prend marre de vieillir, de voir changer les maisons, les numéros, les tramways et les gens de coiffure, autour de son existence. Robe courte ou bonnet fendu, pain rassis, navire à roulettes, tout à l’aviation, c’est du même ! On vous gaspille la sympathie. Je veux plus changer. J’aurais bien des choses à me plaindre mais je suis marié avec elles, je suis navrant et je m’adore autant que la Seine est pourrie. Celui qui changera le réverbère crochu au coin du numéro 12 il me fera bien du chagrin. On est temporaire, c’est un fait, mais on a déjà temporé assez pour son grade."