Giono, Un Roi sans divertissement :
"Marie Chazottes ! Évidemment, on y pensait ; mais il y a tout. On y pensait parce qu’on ne l’avait pas trouvée. La vérité est que, si on l’avait trouvée, on l’aurait enterrée au cimetière, c’est-à-dire qu’on y aurait pensé tout un jour, un bon coup, comme il se doit, et après, vogue la galère, comme il se doit. Mais, Bergues avait eu beau vadrouiller, et inspecter, et même renifler dès qu’il commença à faire un peu chaud : rien. […]
Il fallait en faire son deuil. Deuil pour la mère Chazottes en tout cas qui ne savait plus quelle contenance prendre. Où aller porter des fleurs ? Quoi faire ? Quoi faire à quoi ? Où était-elle ? Admettez qu’elle soit en voyage, chez ses cousines, ailleurs, ou en condition à Grenoble, ce serait pareil ! C’est ce qu’elle avait l’air de dire avec son visage ébahi et ses bras ballants devant ce printemps qui ne rendait rien cette fois (comme il est d’usage pour ceux qui se perdent pendant l’hiver). Blague à part, rongée d’un gros chagrin sans précédent ; à qui on ne pouvait apporter aucune consolation."