Constant (par Daniel Mornet) :
"Affaissé dans ses rancunes et ses langueurs ou poussé de hasards en hasards par des caprices d'énergie, il ne rencontra l'amour de Mme de Charrière que pour trouver une complication à ses détresses. Dans cette âme incertaine et lasse le pessimisme fut un mal aigu ; de la vie il ne connut que de courts espoirs et de longues tortures ; dès sa jeunesse il se réfugia dans le goût du néant :
"Triste jouet de la tempête, j'ai volé d'erreur en erreur ; vingt hivers ont blanchi ma tête, mille excès ont flétri mon cœur ; j'ai payé quelques jours de fête par des mois entiers de malheur***… Thompson, l'auteur des Saisons, passait souvent des jours entiers dans son lit ; et quand on lui demandait pourquoi il ne se levait pas : « I see no motive to rise, man », répondait-il. Ni moi non plus, je ne vois de motif pour rien dans ce monde, et je n'ai de goût pour rien. »
Sénancour et Constant ont vécu avant la Révolution de plus amers dégoûts que les romantiques eux-mêmes."
rappel :
https://lelectionnaire.blogspot.com/2023/12/constant-melancolie.html
*** cf. Valéry, Cahiers (C2-409) :
"Pardonne-moi, ma vérité, d'avoir cru en K. J'ai péché contre le scepticisme sauveur, contre la volonté de lucidité, contre tout ce que je savais. C'est avec de la lumière [...] que je paye six minutes de folie, et quelques heures passées hors de moi-même, dans les paradis de tout le monde."