Gombrowicz, § Virginité, in Bakakaï, trad. Sédir et Kosko :
"Rien de plus artificiel que les descriptions de jeunes filles et les comparaisons recherchées que l'on forge à cette occasion. Les lèvres comme des cerises, les seins comme des boutons de rose… Oh, s’il suffisait d’acheter chez le marchand quelques fruits et légumes ! Et si une bouche avait vraiment le goût d’une cerise mûre, qui pourrait tomber amoureux ? Qui se laisserait tenter par un baiser réellement doux comme une friandise ? – Mais chut, assez, secret, tabou, ne parlons pas trop de la bouche. – Le coude d’Alice, vu à travers le voile des sentiments, apparaissait tantôt comme un promontoire virginal lisse et blanc qui se fondait dans le teint plus chaud du bras, tantôt, quand elle laissait pendre sa main, comme une fossette douce et ronde, un repli caché, une chapelle latérale de son corps. À part cela, Alice ressemblait à n’importe quelle autre fille de commandant en retraite, élevée par une mère aimante dans un cottage de banlieue. Comme toute autre, elle se caressait parfois le coude ; comme toute autre, elle apprit de bonne heure à creuser dans le sable avec son pied…"