Nerval, Promenades et souvenirs VII :
« Me direz-vous pourquoi j’aime tout le monde dans ce pays, où je retrouve des intonations connues autrefois, où les vieilles ont les traits de celles qui m’ont bercé, où les jeunes gens et les jeunes filles me rappellent les compagnons de ma première jeunesse ? Un vieillard passe : il m’a semblé voir mon grand-père ; il parle, c’est presque sa voix ; - cette jeune personne a les traits de ma tante, morte à vingt-cinq ans ; une plus jeune me rappelle une petite paysanne qui m’a aimé et qui m’appelait son petit mari, - qui dansait et chantait toujours, et qui, le dimanche au printemps, se faisait des couronnes de marguerites […]. Célénie m’apparaît souvent dans mes rêves comme une nymphe des eaux, tentatrice naïve, follement enivrée de l’odeur des prés, couronnée d’ache et de nénuphar, découvrant, dans son rire enfantin, entre ses joues à fossettes, les dents de perles de la nixe germanique. Et certes, l’ourlet de sa robe était très souvent mouillé comme il convient à ses pareilles… Il fallait lui cueillir des fleurs aux bords marneux des étangs de Commelle […]. »