mardi 12 novembre 2024

Cohn (Flore 2)

Cohn (Norman), The Pursuit of the Millennium – Revolutionary Millenarians and Mystical Anarchists of the Middle Ages p. 74

http://naqiao.hk/libros_fortea/the_pursuit_of_the_millenium.pdf


reprise et complément de

https://lelectionnaire.blogspot.com/2021/10/cohn-flore.html


"For the long-term, indirect influence of Joachim’s speculations can be traced right down to the present day, and most clearly in certain ‘philosophies of history’ of which the Church emphatically disapproves. Horrified though the unworldly mystic would have been to see it happen, it is unmistakably the Joachite phantasy of the three ages that reappeared in, for instance, the theories of historical evolution expounded by the German Idealist philosophers Lessing, Schelling, Fichte and to some extent Hegel; in Auguste Comte’s idea of history as an ascent from the theological through the metaphysical up to the scientific phase; and again in the Marxian dialectic of the three stages of primitive communism, class society and a final communism which is to be the realm of freedom and in which the state will have withered away. And it is no less true — if even more paradoxical — that the phrase ‘the Third Reich’, first coined in 1923 by the publicist Moeller van den Bruck and later adopted as a name for that ‘new order’ which was supposed to last a thousand years, would have had but little emotional significance if the phantasy of a third and most glorious dispensation had not, over the centuries, entered into the common stock of European social mythology."


traduction Google :

Car l'influence indirecte à long terme des spéculations de Joachim peut être retracée jusqu'à nos jours, et plus clairement dans certaines « philosophies de l'histoire » que l'Église désapprouve catégoriquement. Aussi horrifié qu'aurait été le mystique surnaturel de voir cela se produire, c'est incontestablement le fantasme joachi[mi]te des trois âges qui est réapparu, par exemple, dans les théories de l'évolution historique exposées par les philosophes idéalistes allemands Lessing, Schelling, Fichte et dans une certaine mesure Hegel ; dans l'idée d'Auguste Comte de l'histoire comme ascension de la phase théologique à la phase métaphysique jusqu'à la phase scientifique ; et encore dans la dialectique marxienne des trois étapes du communisme primitif, de la société de classes et d'un communisme final qui sera le royaume de la liberté et dans lequel l'État se sera flétri. Et il n'est pas moins vrai — quoique plus paradoxal encore — que l'expression « le Troisième Reich », inventée pour la première fois en 1923 par le publiciste Moeller van den Bruck et adoptée plus tard comme nom pour ce « nouvel ordre » qui était censé durer un mille ans, n'aurait eu que peu de signification émotionnelle si le fantasme d'une troisième et la plus glorieuse dispensation [= régime] n'était pas, au cours des siècles, entré dans le fonds commun de la mythologie sociale européenne.


lundi 11 novembre 2024

Volkoff (réalité)

Volkoff (Vladimir), L'Enlèvement (2000) chap. 1  : 

"Dès les débuts de sa première campagne électorale, Bob Brookes avait compris que la réalité n’existe pas (ou n’existe plus – il admettait qu’elle eût pu exister un jour). Aujourd’hui, n’existe plus que l’opinion. Depuis son élection à la première magistrature de l’État, il avait compris que l’opinion n’existe pas non plus. N’existent que les sondages, que l’on triture comme on veut et qui déterminent l’opinion qui détermine la réalité."


dimanche 10 novembre 2024

Malraux (musée)

Malraux, Le Musée imaginaire, incipit : 

"Un crucifix roman n'était pas d'abord une sculpture, la Madone de Cimabue n'était pas d'abord un tableau, même la Pallas Athéné de Phidias n'était pas d'abord une statue.

Le rôle des musées dans notre relation avec les œuvres d'art est si grand, que nous avons peine à penser qu'il n'en existe pas, qu'il n'en exista jamais, là où la civilisation de l'Europe moderne est ou fut inconnue ; et qu'il en existe chez nous depuis moins de deux siècles. Le xixe siècle a vécu d'eux ; nous en vivons encore, et oublions qu'ils ont imposé au spectateur une relation toute nouvelle avec l'œuvre d'art. Ils ont contribué à délivrer de leur fonction les œuvres d'art qu'ils réunissaient ; à métamorphoser en tableaux jusqu'aux portraits. Si le buste de César, le Charles-Quint équestre, sont encore César et Charles-Quint, le duc d'Olivares n'est plus que Velasquez. Que nous importe l'identité de l'Homme au Casque, de l'Homme au Gant ? Ils s'appellent Rembrandt et Titien. Le portrait cesse d'être d'abord le portrait de quelqu'un. Jusqu'au XIXe siècle, toutes les œuvres d'art ont été l'image de quelque chose qui existait ou qui n'existait pas, avant d'être des œuvres d'art, – et pour l'être. Aux yeux du peintre seul, la peinture était peinture ; encore était-elle souvent aussi poésie. Et le musée supprima de presque tous les portraits (le fussent-ils d'un rêve), presque tous leurs modèles, en même temps qu'il arrachait leur fonction aux œuvres d'art. Il ne connut plus ni palladium, ni saint, ni Christ, ni objet de vénération, de ressemblance, d'imagination, de décor, de possession : mais des images des choses, différentes des choses mêmes, et tirant de cette différence spécifique leur raison d'être. Il est une confrontation de métamorphoses."