Ronsard, à Michel de l'Hospital, Ode X :
Strophe 13
[...]
Antistrophe
A fin (o Destins) qu'il n'avienne
Que le monde appris faussement,
Pense que vostre mestier vienne
D'art, et non de ravissement :
Cest art penible et miserable
S'eslongnera de toutes parts
De vostre mestier honorable
Desmembre en diverses parts,
En Prophetie, en Poesies,
En mysteres et en amour,
Quatre fureurs qui tour-à-tour
Chatouilleront vos fantasies.
Epode
Le traict qui fuit de ma main,
Si tost par l’air ne chemine,
Comme la fureur divine
Vole dans un caeur humain,
Pourveu qu'il soit prépare,
Pur de vice, et repare
De la vertu precieuse.
Jamais les Dieux qui sont bons
Ne respandent leurs saints dons
Dans une ame vicieuse.
Strophe 14
Lors que la mienne ravissante
Vous viendra troubler vivement,
D’une poitrine obeissante
Tremblez dessous son mouvement:
Et souffrez qu’elle vous secoue
Le corps et l’esprit agité,
A fin que Dame elle se joue
Au temple de sa Deité .
Elle de toutes vertus pleine,
Des mes secrets vous remplira,
Et en vous les accomplira
Sans art, sans sueur ne sans peine.
Antistrophe
Mais par-sur tout prenez bien garde,
Gardez-vous bien de n'employer
Mes presens dans un coeur qui garde
Son peche, sans le nettoyer :
Ains devant que de luy respandre,
Purgez-le de vostre douce eau,
A fin que bien net puisse prendre
Un beau don dans un beau vaisseau :
Et luy purgé, à I'heure à l'heure
Tout ravi d'esprit chantera
Un vers en fureur qui fera
Au coeur des hommes sa demeure. [...]
Ceux que je veux faire poètes
Par la grâce de ma bonté,
seront nommés les interprètes
des Dieux de leur volonté.