mercredi 31 mars 2021

Ronsard (inspiration)

 Ronsard, à Michel de l'Hospital, Ode X :

Strophe 13

[...]

Antistrophe

A fin (o Destins) qu'il n'avienne 

Que le monde appris faussement, 

Pense que vostre mestier vienne 

D'art, et non de ravissement : 

Cest art penible et miserable 

S'eslongnera de toutes parts

De vostre mestier honorable 

Desmembre en diverses parts, 

En Prophetie, en Poesies,

En mysteres et en amour,                           

Quatre fureurs qui tour-à-tour

Chatouilleront vos fantasies.


Epode

Le traict qui fuit de ma main, 

Si tost par l’air ne chemine,

Comme la fureur divine

Vole dans un caeur humain, 

Pourveu qu'il soit prépare, 

Pur de vice, et repare

De la vertu precieuse.

Jamais les Dieux qui sont bons           

Ne respandent leurs saints dons

Dans une ame vicieuse.


Strophe 14

Lors que la mienne ravissante

Vous viendra troubler vivement,

D’une poitrine obeissante

Tremblez dessous son mouvement:

Et souffrez qu’elle vous secoue

Le corps et l’esprit agité,

A fin que Dame elle se joue

Au temple de sa Deité .                     

Elle de toutes vertus pleine,

Des mes secrets vous remplira,

Et en vous les accomplira

Sans art, sans sueur ne sans peine.


Antistrophe

Mais par-sur tout prenez bien garde, 

Gardez-vous bien de n'employer

Mes presens dans un coeur qui garde 

Son peche, sans le nettoyer :

Ains devant que de luy respandre,

Purgez-le de vostre douce eau,                   

A fin que bien net puisse prendre

Un beau don dans un beau vaisseau :

Et luy purgé, à I'heure à l'heure 

Tout ravi d'esprit chantera

Un vers en fureur qui fera

Au coeur des hommes sa demeure. [...]


Ceux que je veux faire poètes

Par la grâce de ma bonté,

seront nommés les interprètes

des Dieux de leur volonté.