Céard, La saignée, in Les Soirées de Médan :
"Elle l’accusa comme d’un crime personnel de la mort d’un jeune capitaine d’état-major, tué lors de la dernière affaire. Elle le connaissait, ils s’étaient rencontrés, très souvent, dans le monde.
— Un de tes amants, sans doute ?
Jusque-là il n’avait rien dit, baissant la tête, rageant au-dedans de lui devant ces récriminations brutales, dont, intimement, il sentait la justesse.
— Quand ce serait, répondit-elle, effrontément.
— Au fait, ça ne l’étonnait pas ! avec qui n’avait-elle pas couché ? Son lit était une vraie guérite dont on relevait les sentinelles toutes les heures. Alors éclatant en mots furieux, donnant libre cours à l’amertume de son cœur, un a un, il lui nommait ses amants. Il y en avait de toutes les armes : des cavaliers, des fantassins, des artilleurs, et jusqu’à des soldats de la mobile. Il citait les corps, les grades, d’une voix dépitée, avec emportement, car il mettait de la hiérarchie dans l’amour, et se croyait compromis non pas tant par ses infidélités que parce qu’elle les avait commises avec des inférieurs."