Michelet, L’Amour, I, 1-2 p. 51-52
« 1. De la femme.
La femme a un langage à part. Les insectes et les poissons restent muets. L'oiseau chante. Il voudrait articuler. L'homme a la langue distincte, la parole nette et lumineuse, la clarté du verbe. Mais la femme, au-dessus du verbe de l'homme et du chant d'oiseau, a une langue toute magique dont elle entrecoupe ce verbe ou ce chant : le soupir, le souffle passionné. Incalculable puissance. A peine elle se fait sentir, et le cœur en est ému. Son sein monte, descend, remonte ; elle ne peut pas parler, et nous sommes convaincus d'avance, gagnés à tout ce qu'elle veut. Quelle harangue d'homme agira comme le silence de la femme ? »
2. La femme est une malade
Bien souvent assis, et pensif, devant la profonde mer, j'épiais la première agitation, d'abord sourde, puis sensible, puis croissante, redoutable, qui rappelait le flot au rivage. J'étais dominé, absorbé de l’électricité immense qui flottait sur l’armée des vagues dont la crête étincelait.
Mais avec combien plus d'émotion encore, avec quelle religion, quel tendre respect, je notais les premiers signes, doux, délicats, contenus, puis douloureux, violents, des impressions nerveuses qui périodiquement annoncent le flux, le reflux de cet autre océan, la femme ! »