Senault, L’Homme criminel [1644] incipit :
« L’orgueil a fait une si puissante impression dans l’âme de l'homme que toutes les peines qu'il souffre sont [in]capables de l’effacer. Il est glorieux dans son malheur, et quoiqu'il ait perdu tous les avantages qui lui donnaient de la vanité, il ne laisse pas de la conserver au milieu de ses misères. Les promesses que lui fit le démon dans le paradis le flattent encore pendant son exil. Quoiqu'il soit l’esclave d'autant de maîtres qu'il a de passions, il aspire encore à la souveraineté du monde ; quoique ses doutes l’assurent qu'il est ignorant, il prétend encore à la science du bien et du mal. Et quoique toutes les maladies qui l’attaquent lui apprennent qu'il est mortel, il se promet encore l'immortalité. Mais ce qui est de plus insupportable, et qui rend son crime le plus insolent, il espère d'arriver à toutes ces grandeurs par ses propres forces ; il croit que rien n'est impossible à une créature libre et raisonnable ; que son bonheur dépend de sa volonté, et que sans autre secours que celui qu’il tire de la Nature, il peut s'acquitter de ses pertes et recouvrer son innocence. »