Rilke, Lettre à la baronne Elisabeth Schenck zu Schweinsberg, 4 nov 1909, Paris, Seuil, Correspondance p. 147-148 :
"N'y a-t-il pas en [l'amour pour l'humanité entière] un principe dissolvant qui retire à nombre d'énergies dévouées leurs points d'attaque naturels ? Cela me fait le même effet, voyez-vous, que de savoir aujourd'hui toutes les plus grandes œuvres d'art dans des musées, n'appartenant plus à personne. On dit sans doute qu'ainsi elles appartiennent à tout le monde. Mais je ne puis absolument pas me faire à cette généralité ; je n'arrive pas à y croire. Tout ce qu'il y a de plus précieux doit-il vraiment aboutir ainsi à la généralité ? Je ne puis m'empêcher de penser que c'est comme si on laissait un flacon d'essence de rose ouvert en plein air : sans doute sa force serait-elle encore là dans l'espace aérien, mais si éparse, si diluée que le plus doux parfum ne pourrait qu'être perdu pour nos sens."