Cousin, Sur les fondements des idées absolues du vrai, du beau et du bien, 1818 :
"La religion et la morale sont ce qu'il y a de plus élevé ; il ne faut donc les mettre au service d'aucune autre chose que d'elles-mêmes, ni surtout au service de l'intérêt. Il faut de la religion pour la religion, de la morale pour la morale, comme de l’art pour l'art. Le bien et le saint ne peuvent être la route de l'utile, ni même du beau ; de même que le beau ne peut être la voie ni de l'utile, ni du bien , ni du saint ; il ne conduit qu'à lui-même. Rappelez-vous ce que nous avons dit des trois formes de l'infini, et vous reconnaîtrez à quelle hauteur l'art s’élève dans celte théorie. Dieu se manifeste à nous par trois formes accessibles à notre faiblesse : par l'idée du vrai, par l'idée du bien et par l'idée du beau ; ces trois idées sont toutes trois filles du même père, et égales entre elles, toutes trois contemporaines dans l'esprit humain comme dans la vérité éternelle : ni l’une ni l'autre ne doit être mise au service de ses sœurs. On a dit que les Grecs avaient conçu la poésie comme un moyen politique : quand ils célébraient sur le théâtre l'héroïsme de leurs ancêtres, ils étaient portés, dit-on, à imiter ces modèles. Je l'accorde ; mais ce patriotisme, enfanté par l'art, n'était que sa création médiate. Le poète avait d'abord excité le sentiment du beau. Il en est de tous les arts comme de la poésie."