dimanche 13 juin 2021

Houellebecq (fugacité)

 

Houellebecq, La Carte et le territoire 

1, I

"La beauté des fleurs est triste parce que les fleurs sont fragiles, et destinées à la mort, comme toute chose sur terre bien sûr mais elles tout particulièrement, et comme les animaux leur cadavre n'est qu'une grotesque parodie de leur être vital, et leur cadavre, comme celui des animaux, pue – tout cela, on le comprend dès qu'on a vécu une fois le passage des saisons, et le pourrissement des fleurs, Jed l'avait pour sa part compris dès l'âge de cinq ans et peut-être avant [...]."


1, XI

"En consacrant ses deux premières toiles, « Ferdinand Desroches, boucher chevalin », puis « Claude Vorilhon, gérant de bar-tabac », à des professions en perte de vitesse, Martin pourrait donner l'impression d'une nostalgie, pourrait sembler regretter un état antérieur, réel ou fantasmé, de la France. Rien, et c'est la conclusion qui a fini par se dégager de tous les travaux, n'était plus étranger à ses préoccupations réelles ; et si Martin se pencha en premier lieu sur deux professions sinistrées, ce n'était nullement qu'il voulût inciter à se lamenter sur leur disparition probable : c'était simplement qu'elles allaient, en effet, bientôt disparaître, et qu'il importait de fixer leur image sur la toile pendant qu'il en était encore temps."