Vargas Llosa, Lettres à un jeune romancier :
"[…] Lorsque quelqu’un — comme don Quichotte ou Mme Bovary par exemple — s’obstine à confondre la fiction et la réalité, et essaye de faire en sorte que la vie soit à l’image de la fiction, le résultat peut être dramatique. Qui agit de la sorte le paye d’ordinaire par de terribles déceptions. Néanmoins, le jeu de la littérature n’est pas inoffensif. Fruit d’une insatisfaction intime contre la vie telle qu’elle est, la fiction est également source de mal-être et de mécontentement. Parce que celui qui, à travers la lecture, vit une grande fiction — comme les deux que je viens de citer, celle de Cervantès et celle de Flaubert —, retourne à la vie réelle doté d’une sensibilité beaucoup plus aiguë face à ses limitations et à ses imperfections. Il a en effet appris par ces fantaisies magnifiques que le monde réel, la vie vécue, sont infiniment plus médiocres que la vie inventée par les romanciers."