mercredi 7 août 2024

Diderot (promenade)

Diderot, lettre à Sophie Volland le 3 octobre 1759 : 

"Il fit dimanche une très-belle journée ; nous allâmes nous promener sur les bords de la Marne ; nous la suivîmes depuis le pied de nos coteaux jusqu’à Champigny. 

Le village couronne la hauteur en amphithéâtre. Au-dessous, le lit tortueux de la Marne forme, en se divisant, un groupe de plusieurs îles couvertes de saules. Ses eaux se précipitent en nappes par les intervalles étroits qui les séparent. Les paysans y ont établi des pêcheries. C’est un aspect vraiment romanesque. Saint-Maur, d’un côté, dans le fond ; Chennevières et Champigny, de l’autre, sur les sommets ; la Marne, des vignes, des bois, des prairies entre deux. L’imagination aurait peine à rassembler plus de richesse et de variété que la nature n’en offre là. Nous nous sommes proposé d’y retourner, quoique nous en soyons revenus tous écloppés. Je m’étais fiché une épine au doigt ; le Baron était entrepris d’un torticolis, et un mouvement de bile commençait à tracasser notre mélancolique Écossais. 

Il était temps que nous regagnassions le salon. Nous y voilà, les femmes étalées sur le fond, les hommes rangés autour du foyer ; ici l’on se réchauffe ; là on respire. On est encore en silence, mais ce ne sera pas pour longtemps."