dimanche 4 août 2024

Flaubert (Lamartine)

Flaubert, lettre à Louise Colet, 1852 :

[sur Graziella, de Lamartine] 

"C’est un ouvrage médiocre, quoique la meilleure chose que Lamartine ait faite en prose. Il y a de jolis détails, le vieux pêcheur couché sur le dos avec des hirondelles qui rasent ses tempes, Graziella attachant son amulette au lit, travaillant au corail, deux ou trois belles comparaisons de la nature, telles qu’un éclair, par intervalles, qui ressemble à un cliquement d’œil, voilà à peu près tout… Que c’est beau ces histoires d’amour, où la chose principale est tellement entourée de mystère, que l’on ne sait à quoi s’en tenir, l’union sexuelle étant reléguée systématiquement dans l’ombre comme boire, manger, etc. Le parti-pris m’agace, Voilà un gaillard qui vit continuellement avec une femme qui l’aime et qu’il aime, et jamais un désir. Pas un nuage impur ne vient obscurcir ce lac bleuâtre. Ô hypocrite ! s’il avait raconté l’histoire vraie, que c’eût été plus beau ! Mais la vérité demande des mâles plus velus que M. de Lamartine ; il est plus facile en effet de dessiner un ange qu’une femme ; les ailes cachent la bosse… Rien dans ce livre ne vous prend aux entrailles."

et (6 avril1853) :

"Je n’ai aucune sympathie pour cet écrivain sans rythme, pour cet homme d’État sans initiative. C’est à lui que nous devons tous les embêtements bleuâtres du lyrisme poitrinaire […] Il ne restera pas de Lamartine de quoi faire un demi-volume de pièces détachées. C’est un esprit eunuque, la couille lui manque, il n’a jamais pissé que de l’eau claire."


note : 

l'adjectif "bleuâtre" apparaît 9 fois dans Madame Bovary, dont : 

"Il habitait la contrée bleuâtre où les échelles de soie se balancent à des balcons, sous le souffle des fleurs, dans la clarté de la lune"