Walser, L'Homme à tout faire, trad. W. Weideli :
"Comment imaginer, par un jour pareil, qu’on pût être d’humeur chagrine, ou encore morose, ou encore mélancolique ? Il y avait quelque chose de mystérieux partout, dans chaque pensée, dans vos propres jambes, dans ces habits sur cette chaise, dans cette armoire flanquée de rideaux fraîchement lavés d’une blancheur aveuglante, dans cette table de toilette. Mais ce quelque chose de mystérieux ne vous causait aucune inquiétude, au contraire : cela vous reposait, vous souriait, vous offrait formellement la paix. On vivait pour ainsi dire sans penser, et l’on ne savait pas du tout pourquoi, bien qu’on parût y avoir de pressants motifs. Il y avait un tel soleil dans cette absence de pensée, et là où il y avait du soleil, Joseph ne pouvait s’empêcher de penser à une table délicieusement servie pour le petit-déjeuner. Oui, c’est avec cette simple pensée que ce stupide mais presque doux endimanchement avait commencé."