samedi 12 septembre 2020

Zweig (néolâtrie)

Zweig, Le Monde d’hier, chapitre De nouveau par le monde, traduction S. Niémetz : 

« Dans tous les domaines s’ouvrait une époque vouée à l’expérimentation la plus téméraire qui prétendait, d’un seul bond fougueux, dépasser tout ce qui avait été fait et accompli ; plus un homme était jeune, moins il avait appris, plus il était bienvenu par le seul fait qu’il ne se rattachait à aucune tradition - enfin la grande vengeance de la jeunesse se déchaînait triomphalement contre le monde de nos parents. Mais au milieu de ce carnaval sauvage, rien ne m’offrit un spectacle plus tragicomique que de voir combien d’intellectuels de l’ancienne génération, dans leur crainte panique d’être dépassés et considérés comme « inactuels » se barbouillaient d’une sauvagerie factice avec la hâte du désespoir et cherchaient à suivre le mouvement d’un pas lourd et claudicant jusque dans les chemins le plus manifestement aberrants. 

De braves barbons d’académie compassés recouvraient leurs anciennes « natures mortes », devenues invendables, d’hexaèdres et de cubes symboliques, parce que les jeunes conservateurs des musées (partout on cherchait maintenant des jeunes ou, mieux encore, les plus jeunes) éliminaient des salles tous les autres tableaux, trop « classiques », et les mettaient au dépôt. […] Partout les anciens, désemparés, couraient après la dernière mode ; on n’avait soudain plus qu’une seule ambition, celle d’être « jeune » et d’inventer promptement, après celle qui, hier encore, était actuelle, une tendance encore plus actuelle, plus radicale, et qui n’eût jamais existé auparavant.

 


« Auf allen Gebieten begann eine Epoche wildesten Experimentierens, die alles Gewesene, Gewordene, Geleistete mit einem einzigen hitzigen Sprung überholen wollte; je jünger einer war, je weniger er gelernt hatte, desto willkommener war er durch seine Unverbundenheit mit jeder Tradition – endlich tobte sich die große Rache der Jugend gegen unsere Elternwelt triumphierend aus. Aber inmitten dieses wüsten Karnevals bot mir nichts ein tragikomischeres Schauspiel als zu sehen, wie viele Intellektuelle der älteren Generation in der panischen Angst, überholt zu werden und als ›unaktuell‹ zu gelten, sich verzweifelt rasch eine künstliche Wildheit anschminkten und auch den offenkundigsten Abwegen täppisch hinkenden Schritts nachzuschleichen suchten. Biedere, brave, graubärtige Akademieprofessoren übermalten ihre einstigen, jetzt unverkäuflich gewordenen ›Stilleben‹ mit symbolischen Würfeln und Kuben, weil die jungen Direktoren (überall suchte man jetzt Junge und besser noch: Jüngste) alle andern Bilder als zu ›klassizistisch‹ aus den Galerien räumten und ins Depot stellten. Schriftsteller, die jahrzehntelang ein rundes, klares Deutsch geschrieben, zerhackten folgsam ihre Sätze und exzedierten in ›Aktivismus‹, behäbige preußische Geheimräte dozierten auf dem Katheder Karl Marx, alte Hofballerinen tanzten dreiviertelnackt mit ›gestellten‹ Verrenkungen die ›Appassionata‹ Beethovens und Schönbergs ›Verklärte Nacht‹. Überall lief das Alter verstört der letzten Mode nach; es gab plötzlich nur den einen Ehrgeiz, ›jung‹ zu sein und hinter der gestern noch aktuellen eine noch aktuellere, noch radikalere und noch nie dagewesene Richtung prompt zu erfinden. »