Céline, Casse-pipe Pléiade III p. 36-37 :
« Les gayes ont repiqué au tam-tam, ils ont recommencé un orage, un trafalgar à tout broyer, à démolir le bordel... Ils devaient se réchauffer aussi. Ça s'écroulait de tous les côtés, toute la ferraille, chaînes, palans, tout le bobinard vla-dabang! boum! vlach! à la cascade ! Sonnez voltige ! On n'osait pas encore bouger, enfouis dans le pétrin, figés par les crampes, entravés dans les panoplies, repliés en quatre, en huit, dans le fond de la mouscaille.
L'Arcille revenait toujours pas. Ça devenait affreux. Le Moël il était au naufrage, il avait pas la fermeté. Toute son écurie sens dessus dessous. Les bourdons se bagarraient horrible. Y en avait trois culbutés sur le dos tout en bataille sous le pylône du milieu. Tout le bacchanal, poutres, haubans, chaînes, leur déboulinait sur la panse. Les autres carcans ils ruaient dans le vide si haut, si ardents, enragés, que ça piaulait plein les ténèbres. Un vrai sabbat des cavales... Deux biques qui se décrochent, renaudent, foncent, dépècent la mangeoire, dévalent, fauchent tout au galop. Juste sur nous, elles butent, bronchent, s'affalent... On est défoncés dans notre trou, noyés, écrabouillés sous l'avalanche... On rampe sous la catastrophe, on sort de là comme des mulots par l'étroit tunnel en pleine chiasse. Dehors on voit comment ça se passe... que l'écurie est en décombres... qu'ils se filent des pâtées atroces, que ça gicle et sonne le tonnerre. Ils se croquent les crinières les bourdons, ils s'arrachent des vifs morceaux de viande. Ça saigne, éclabousse. »