Rilke, Cahiers de Malte Laurids Brigge (trad. Betz) :
"C’est alors seulement que je m’aperçus qu’on ne pouvait rien dire d’une femme ; je remarquai, quand ils parlaient d’elle, combien ils la laissaient en blanc, qu’ils nommaient et décrivaient les autres, les environs, les lieux, les objets, jusqu’à un certain endroit où tout s’arrêtait, s’arrêtait, doucement et pour ainsi dire prudemment, au contour léger qui l’enveloppait et qui n’était jamais retracé. «Comment était-elle ?» demandais-je alors. «Blonde, à peu près comme toi», disaient-ils, puis ils énuméraient toute sorte de détails qu’ils connaissaient encore ; mais aussitôt son image en redevenait plus imprécise, et je ne pouvais plus rien me représenter d’elle."