Musil, Œdipe menacé, in Œuvres préposthumes, trad. Jaccottet :
"Je crains qu’après une ou deux générations, il n’y ait plus d’Œdipe ! Comprenons en effet qu’il est issu de ce petit être qui est censé trouver son plaisir dans le giron de sa mère, et jalouser le père qui l’en expulse. Mais si la mère n’a plus de giron ? On a compris où je veux en venir : le giron ne désignant pas tant une partie précise du corps que toute la sourde maternité de la femme, les seins, la graisse chaleureuse, la mollesse rassurante, protectrice et même, à bon droit, la robe dont les larges plis forment un nid mystérieux. En ce sens, les expériences fondamentales de la psychologie sont issues évidemment de la mode des années 70 et 80, et non des costumes de ski. Imaginons un maillot de bain : où en est le giron ? Quand j’essaie, à la vue d’une nageuse de crawl, de me représenter le désir psychanalytique de me retrouver embryon dans son sein, je me demande vraiment, non sans être sensible à leur beauté originale, pourquoi la génération future ne souhaiterait pas aussi bien rentrer dans le giron du père."