samedi 9 novembre 2019

Calet (le corps - 2 textes)


Calet, Le Mérinos 

p. 78 : 
« Les gens de la maison comparaient leur concierge à un pot à tabac. Petite et grosse, elle en rappelait les lignes, sans cou ni taille, tout d'une coulée. Ils la prétendaient malpropre et ils avaient la tendance de supposer qu'elle ne guérirait pas d'une jaunisse.
Qu'elle fût malpropre, dégueulasse il fallait l'admettre. Mais le jaune, le fond n'était autre qu'un beau reste de soleil de Pau qui suintait encore sur sa figure.
Elle produisait le drôle d'effet des entreprises inachevées. Il semblait bien qu'on eût renoncé à pousser jusqu'au bout au moment de sa formation dans l'idée que le jeu n'en vaut pas la chandelle. La quantité, certes, s’y trouvait, mais à pied d'oeuvre, empilée, en vrac… »

p. 180 :
« Devant un aussi tristement moche modèle, le pinceau tombe des doigts de l'artiste peintre ; il lance blouse et béret de velours en l'air, dans un mouvement de colère envers le Créateur.
Visiblement, le Créateur s'était acharné sur elle, à moins qu'il n'ait voulu tenter un essai. Certains, à mi-voix, parlaient de sabotage.
Pour remédier aux malfaçons, on devrait construire un atelier de révision, à proximité de mon bureau des désirs. Le Créateur peut se tromper. »