Romains (J.) Quand le Navire..., chap. X, Livre de Poche p. 206 :
"Je suis un homme simple. Si je crois qu'un fait comme ça est vrai et possible, je me dis qu'il y en a mille et mille autres qui sont vrais et possibles. Plutôt, qu'ils forment un monde, un monde immense. Alors, je le sens là, tout le temps. Je ne suis pas assez bête pour m'imaginer qu'on peut le reléguer au fin fond des parages où on ne va jamais, comme un continent antarctique. De deux choses l'une. Ou il n'existe pas. Ou s'il existe, il est là sous mes pieds, là, à portée de ma main, là, derrière la première cloison venue. Je ne puis plus faire un pas sans y penser. Comment voulez-vous que je ne me dise pas que les objets et les gens qui m'entourent, comme je me les suis représentés jusqu'ici, avec l'appui du sens commun et de la science, ne forment qu'une surface, une espèce de décor bien conditionné ? Le fait en question, je le vois dépasser comme un tout petit bout de ce monde immense, qui est derrière, partout, et tout près. Je ne puis plus regarder un seul endroit du décor, sans me dire que quelque chose peut soudain passer au travers, là aussi ; n'attend que l'occasion ; sans voir le décor comme vaciller sous la poussée, par derrière, de ce monde immense…"